Je n'aime pas cette expression consacrée de "héros anonyme". Vous identifiez l'un par le prénom d'Omar. J'irais même jusqu'à parier qu'il a un patronyme.
Mais pour les médias, les vrais gens sont des prénoms, rien que cela. Pas identifiables. L'auditeur qui appelle à l'antenne d'une radio, c'est Jean-Jacques ou Cécile, un ectoplasme anonyme, qu'importe sa pertinence, il demeure une abstraction face à la personnalité, dotée d'un prénom et d'un nom, qui lui seul existe pleinement aux côtés des journalistes. On me rétorquera que son nom ne dirait rien à personne, certes, mais alors à quoi bon le prénom ? "X nous appelle du trou du cul du monde, posez votre question X !"
Cela est d'autant plus choquant que, pour ce qui est des héros anonymes, on voit mal qui on pourrait mettre en face qui ne soit pas anonyme, au sens médiatique du terme. Un héros est un héros, il a su faire fi de ses peurs et de son indifférence pour plonger dans l'eau froide, cela pourrait justifier qu'Omar soit crédité de son identité complète.
Troisième commentaire
Quand on tourne cette tragédie dans tous les sens on s'aperçoit qu'elle n'est pas double mais nonuple.
UN soldat franco-israélien Gilad Shalit capturé par le Hamas le 25 juin 2006,
UN militaire de la DGSE (Denis Alex) détenu par un groupe islamiste en Somalie depuis le 14 juillet 2009, soit bientôt six mois de plus que les deux journalistes.
CINQ employés civils (dont une épouse malade) détenus quelque part dans le nord du Niger ou le sud de la Mauritanie. Cela fait trois de plus que deux journalistes.
A croire qu'il n'y en a que pour les médias.
La valeur d'un otage n'est-elle pas la même, que l'on soit journaliste, militaire ou employé d'une société française ?
L'honnêteté intellectuelle et morale exigerait, si l'on en avait un tant soit peu, que le traitement de l'information et le soutien moral aux familles soient les mêmes !
Cette manière d'exclusivité dénote, hélas, la mentalité de nos médias français.
Et je ne parle même pas des autres qui ont eu le malheur d'être enlevés à leurs côtés.
Tous ont le même point commun, c'est d'être otages dans des conditions inhumaines par des terroristes qui veulent susciter de la peur par leurs actions subversives.
Que 2011 soit l'année de leur liberté !
Encore une de ces rencontres troublantes : le jour même où vous rédigez ce billet, cher Philippe Bilger, un jeune homme meurt de froid en se jetant dans l'eau pour sauver un camarade imprudent. Il a sa place dans ce groupe de héros discrets dont vous faites l'éloge.
Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, eux, iront rejoindre, dans nos mémoires, les noms de tous les otages qui les ont précédés.
La communauté nationale souhaite que leur vie soit épargnée et qu'ils puissent dès que possible retrouver les leurs.
Une réflexion à ce propos : je ne puis m'empêcher d'être surpris que depuis de longs mois seuls leurs deux noms soient cités, régulièrement suivis par la formule "ainsi que leurs accompagnateurs" dont on ne donne jamais les noms.
De la même façon, on ne donne jamais ceux des autres personnes actuellement détenues en Afrique.
Peut-être y a-t-il une raison à cela ; j'aimerais la connaître. Si ce n'est pas le cas, faut-il en déduire que seuls ces journalistes méritent d'avoir une identité ?
Puisque vous avez eu la bonne idée de rendre hommage aux "héros anonymes de l'année", permettez-moi de dire que ces personnes ont un nom, et que, partant, le qualificatif d'"anonymes" ne leur convient pas.
Je crains fort que ce ne soit qu'une des nombreuses manifestations du goût de notre temps pour l'euphémisme : "inconnus" étant, me semble-t-il, le mot exact par lequel il faudrait les désigner. Des inconnus qui d'ailleurs cesseraient aussitôt de l'être dès lors qu'on dirait et répèterait leurs noms.
Combien de fois n'ai-je pas bouilli en entendant, à l'occasion, par exemple, de la mort d'un illustre personnage, le journaliste énumérer les stars et autres personnalités célèbres présentes, et traiter d'"anonymes" les personnes présentes dans le public. On est "connu" ou "anonyme" !
Le courageux jeune homme dont je parlais en commençant, mort par amitié, mériterait lui aussi de sortir de l'anonymat, non ?
Deuxième commentaire