Alexandre Guérini, frère de Jean-Noël Guérini, Président socialiste du Conseil Général des Bouches du Rhône, Sénateur et Secrétaire Fédéral du Parti Socialiste, vient d'être remis en liberté il y a une semaine, après 5 mois de détention, moyennant une caution de 300.000 euros.
Il est soupçonné de graves manquements et de corruption dans la gestion des marchés publics des déchets de l'agglomération marseillaise.
Je publie presque in extenso la lettre que le Secrétaire National à la rénovation du PS, Arnaud Montebourg, avait adressé à Martine Aubry, Secrétaire Nationale de ce parti au mois de mars dernier. Il y dénonce les dérives des socialistes marseillais et critique l'omerta dont le Parti tente de les recouvrir.
Dans les circonstances présentes, cette lettre est à méditer.
Les (...) correspondent à des coupures dans le texte, et c'est moi qui souligne.
Paris, le 6 mars 2011
Madame Martine Aubry
Première Secrétaire du Parti Socialiste
10, rue de Solférino
75007 PARIS
Madame la Première Secrétaire, ma chère Martine,
J'ai préféré garder jusqu'à présent le silence après la publication malheureuse et inappropriée du rapport que je t'avais exclusivement et confidentiellement destiné au mois de décembre,afin de ne pas ajouter au risque de confusion.
Mais la façon dont les dirigeants qui t'entourent et toi même s'emploient à discréditer mon travail sans condamner d'invraisemblables comportements au sein de la Fédération des Bouches du Rhône me paraît autant désolante que blessante.(...)
A l'occasion d'une visite de terrain, de nombreux élus et militants marseillais se sont ouverts à moi de faits les plus condamnables et
effrayants qu'ils m'ont relatés dans le détail au sujet de cette Fédération et m'ont littéralement supplié de m'en emparer, de t'en avertir, et d'agir au nom de l'honneur du socialisme.
J'ai jugé en conscience, au regard des responsabilités que tu m'avais confiées pour rénover et transformer le parti, au regard de l'exigence et de la rigueur que j'attache toujours à l'exercice de celles-ci, dans le souci de protection des militants et élus des Bouches du Rhône sincères et honnêtes, exposés aux méthodes abusives et dangereuses qui m'étaient rapportées, qu'il était de mon devoir de le faire dans l'intérêt de la gauche et de sa réputation morale.
Tu comprendras sûrement que la Rénovation du Parti socialiste ne peut pas être à mes yeux une série de discours creux et sans suite concrète, mais au contraire des actes courageux qui feront entrer le socialisme français dans une nouvelle ère dont nous avons tous besoin.
J'ai donc engagé un processus d'enquête approfondie, qui a duré plusieurs mois, pendant lequel j'ai vu et revu des élus, des militants et des témoins qui ont tous confirmé la situation que j'ai décrite dans le rapport.
Je puis donc confirmer que chacune des affirmations contenues dans ce rapport ont été méthodiquement et précisément vérifiées et que des éléments de preuves précis et concordants de ce que j'ai décrit dans mon rapport de décembre sont disponibles.
Ces éléments probants concernent la violation caractérisée des statuts du Parti par le Président du Conseil Général de ce Département, la colonisation par des employés du Conseil Général des postes sensibles de la Fédération, le boycott des élections régionales par la Fédération, la distribution de subventions comme outil de pression, les brimades arbitraires sur les élus et citoyens indociles, les menaces physiques sur des hauts fonctionnaires du Conseil Général, et l'intimidation permanente sur certains élus socialistes pour qu'ils se conforment aux intérêts politiques ou financiers de la famille Guérini.
Est-il possible que les socialistes que nous sommes puissions demander des comptes aux abus de pouvoir du sarkozysme, exiger qu'il soit mis fin à la corruption du régime et du pouvoir actuels, notamment dans le soutien, mêlé à l'affairisme, aux dictatures déchues des pays arabes, si nous tolérons en notre sein des comportements aussi condamnables que repoussants ?
Le socialisme qui reconstruira la République, après ces années de décomposition, défend une haute idée de la démocratie et doit affirmer ses propres valeurs, y compris contre ceux qui s'en réclameraient tout en les dégradant par leurs actes.(...)
Abraham Lincoln, l'un des Présidents fondateurs de la grande démocratie américaine avait prononcé cette phrase qui a toujours guidé mon action :
"C'est en gardant le silence alors qu'ils devraient protester, que les hommes deviennent des lâches."
Je n'ai pas voulu être ce lâche en fermant les yeux sur les agissements de certains socialistes des Bouches du Rhône. Et je ne souhaite pas que le parti dont je suis l'un des leaders soit fait de ce triste bois là.
Tes collaborateurs zélés ont depuis le mois de décembre commis l'erreur dans cette grave affaire de nous emmener sur le terrain de la loi du silence. Ta haute responsabilité comme Première secrétaire chargée de protéger la réputation du socialisme français est au contraire de conduire une stratégie de délivrance à l'encontre des tables secrètes de ce genre de loi. Tu en as la charge morale vis à vis de l'avenir de nos idées, et tu en as pris l'engagement vis à vis de moi lorsque tu m'as proposé la mission -ni apparente, ni fictive- de rénover nos pratiques et notre mouvement politique.(...)
Je regrette qu'on ait cherché à m'empêcher de produire ce rapport avant même son achèvement, je regrette qu'il ait été prétendu avoir été égaré alors que ma lettre annonçait sans ambages son contenu et ses conclusions, et que lorsqu'il fut enfin et effectivement lu, on s'employa à le combattre.
Est-il encore possible d'éviter de constater, non sans une certaine désillusion, que tu parais avoir choisi fâcheusement de détourner le regard ?(...)
À quoi servirait-il qu'on ait instauré dans le programme de la rénovation une autorité éthique destinée à faire respecter les statuts pour laisser un élu en accointance avec la direction les violer avec allégresse ? Ce serait envoyer un message d'autorisation généralisée de piétinement de nos règles communes.
Je maintiens donc les conclusions de mon rapport tendant à la mise sous tutelle de la Fédération des Bouches du Rhône. (...)
Dans une période d'extrême défiance à l'encontre de l'action politique, notre responsabilité n'est à mon sens, ni de différer, ni de minimiser, ni de dissimuler. Elle est au contraire d'affronter la vérité, de la dire et de trancher les noeuds gordiens qui nous entravent depuis des années.
Mettre nos actes en conformité avec le désir de probité la plus élémentaire et les attentes du peuple français à l'égard d'un grand parti de gouvernement comme le nôtre supportera-t-il longtemps la
soumission à quelques intérêts locaux déliquescents ou l'obéissance à une médiocre frilosité dans une période où il faudra redoubler de courage ?
L'enjeu pour nous tous, socialistes, est de faire surgir dans la population les forces nouvelles qui transformeront avec nous la France. Mais qui veut changer la France doit changer d'abord soi-même, en inventant les pratiques d'un nouveau Parti, débarrassé des oripeaux d'années de compromissions ou d'habitudes détestables.
Je décide quant à moi de croire viscéralement - avec tous ceux qui aiment et défendent la beauté exemplaire de la République - dans un mot : honneur.
Ton bien dévoué et fidèle Secrétaire National à la Rénovation.
Arnaud Montebourg
Commentaires
Il est vrai que sur le fond, Montebourg est en toute légitimité le défenseur de certaines valeurs indispensables pour son parti. Mais je pense surtout qu'il y a aussi un ver dans chaque pomme...
Il n'y a pas tant à dire que cela sur la corruption , à part que tout les partis politique semblent y avoir plus ou moins recours entre chaque élection et s'en offusquer tour à tour.
Un molière contemporain aurait bien pu dire :
"La corruption est un vice à la mode , et tout les vices à la mode passent pour des vertus ."
A partir du moment où le ver est dans le fruit, les jardinier on bon dos de s'insulter.
Votre vénération du petit César ne peut que mener l'UMP à sa perte, essayez d'être un peu plus objectif si vous voulez être entendu.
Sans doute, "élève x", mais ce que vous dites ne suffit pas. Qu'il en profite pour faire sa pub, c'est de bonne guerre; cela ne disqualifie pas son enquête.
A-t-il raison, oui ou non, Arnaud Montebourg ? En d'autres termes, le PS des Bouches du Rhône ( pour ne parler que de cette fédération) est-il corrompu, oui ou non ? Cela ne vous intéresse pas de le savoir ? Vous votez donc les yeux fermés ?
Pourtant il semble que les récents évènements devraient inciter à plus de prudence.
Si Mme Aubry ne suit pas les conclusions de l'enquête qu'elle a elle-même diligentée, c'est qu'il y a un cadavre dans le placard.
Tout le reste est littérature.
Mr "Père-la-Morale" Montebourg...
Encore une occasion parfaite pour s'affirmer et montrer ses bonnes intentions. Il y a comme un parfum de lutte tant tout cela "ma chère Martine"...