Je lis ce commentaire d'un lecteur sur le blog de Philippe Bilger, à propos de " l'affaire Tron ":
"Les politiciens donnent un mauvais exemple, car demain d'autres hommes accusés d'agressions sexuelles pourraient facilement alléguer l'existence d'un complot".
L'air de la calomnie
Je réponds à cet honorable lecteur que peut-être ces futurs accusés n'auraient-ils pas forcémént tort, car les complots existent.
Il serait tout de même plus que fâcheux que dans notre beau pays républicain, une accusation portée par deux ou trois personnes suffît à abattre un homme.
On nous dit - et cela est en partie vrai - que la démission de Monsieur Tron n'est en rien un aveu de culpabilité.
Mais on nous dit aussi, lorsqu'on est frappé par une contravention routière, que le fait de payer l'amende équivaut à reconnaître l'infraction. Allez comprendre !
Ce qu'il y a d'affreux dans ce genre de situation, c'est que quoi que fasse l'accusé, il renforce la présomption de culpabilité et que dès lors que la rumeur s'est propagée, il est déjà échec et mat.
Dans mon proche entourage, l'an dernier, j'ai été témoin d'une affaire de ce type.
Un officier ministériel a été accusé de harcèlement par trois secrétaires. L'une d'elle était sous le coup d'un licenciement pour faute professionnelle avant que l'affaire n'éclate. Elle avait, de par son ancienneté, une grande influence sur les autres et leur malheureux patron, qui n'a jamais fait de mal à une mouche, s'est retrouvé en garde à vue, puis sur le banc des accusés, forcé de mettre un terme à sa vie professionnelle sur une rumeur infondée, un complot.
La politique n'avait rien à voir dans ce cas. En fait il avait déplu par ses exigences professionnelles qui tranchaient avec le ronron auquel les employées étaient accoutumées.
Selon un ami avocat, ce genre de plainte est assez courant dès lors qu'on veut se défaire de quelqu'un en ruinant sa réputation.
Une fois qu'on est atteint, rien n'est plus difficile que d'apporter la preuve de son innocence, et les plus infimes détails sont utilisés à charge. La machine infernale est lancée. Souvenons nous de Basile :
« La calomnie, Monsieur, vous ne savez guère ce que vous dédaignez ! J'ai vu les plus honnêtes gens près d'en être accablés... »
Vive la présomption d'innocence !
Par les temps qui courent, internet aidant, la rumeur, plus que jamais, tue.
Le rappel incantatoire de la présomption d'innocence, pour fatiguant qu'il soit, est une nécessité, plus que jamais.
Il serait fastidieux de dresser la liste des affaires malheureuses où elle n'a pas été respectée.
J'entends partout qu'il existe une différence radicale entre le système judiciaire français et le système accusatoire américain, où la charge de la preuve appartient à l'accusé.
Cette différence ne me paraît pas si évidente que cela quand je vois, comme dans l'affaire que j'évoquais dans mon précédent commentaire, un homme parfaitement correct et dévoué, sali irrémédiablement par les soupçons de harcèlement et d'abus de pouvoir et dans l'obligation de faire la preuve de son innocence.
Etant impeccable, il n'a évidemment pas songé à accumuler les arguments, les alibis, les preuves qu'on exige de lui. Son impréparation, qui devrait plaider en sa faveur, est utilisée à charge contre lui.
Bref, les innocents ont souvent de bonnes têtes de coupables.
Dans de telles circonstances, que lui reste-t-il sinon la protection de la présomption d'innocence ?
Je ne parle là ni de l'affaire DSK ni de l' affaire Tron, qui doivent suivre leur cours.
En tant que citoyen, amené par mon métier ( on se souvient du beau film dont Jacques Brel était le pitoyable héros )à courir le risque d'être accusé de harcèlement, j'apprécie de vivre dans un pays où cette exigence n'est pas tout à fait jetée aux orties.
Et la victime ? Si c'est réellement une victime, c'est à dire si la justice la déclare telle au terme de la procédure, elle aura eu, c'est vrai, à subir en plus du mauvais traitement à l'origine de sa plainte, la souffrance supplémentaire de ne pas voir sa parole immédiatement reconnue comme vraie et mise en balance avec celle de son tortionnaire.
Mais c'est le prix à payer pour que la vérité éclate et que, finalement, elle soit pleinement reconnue comme victime par la punition équitable de celui qui l'a fait souffrir.
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Commentaires
Aux dernières nouvelles dont je dispose, cette affaire s'est mal terminée juridiquement pour lui, pour ne rien dire de sa situation professionnelle.
En fait, il est extrêmement difficile, en l'absence de tout élément matériel, de faire la preuve de son innocence dans ce genre de conflit.
Quoi que puissent en dire de soi-disant experts en droit, la justice française, comme celle des Etats Unis,est également accusatoire dans ce domaine.
On ne demande pas tant aux "victimes" de faire la preuve de ce qu'elles disent avoir subi qu'au "coupable" de prouver son innocence.
Et même dans les cas (rares) où cette preuve peut être apportée, la salissure demeure à jamais. C'est terrible.
A une toute autre échelle, Outreau est là pour nous le rappeler.
Il est vrai que la calomnie est facile tant elle est indolore pour celui qui la propage.
Votre remarque sur Basile est très juste.
Nous verrons comment se termine l'affaire Tron.
Comment s'est terminé l'histoire que vous évoquez ? as t'il réussi à prouver son innocence ?