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Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 18-11-2012 à 12:23:44

La pensée de Yan THOMAS

Mon frère Yan est mort il y a déjà plus de quatre ans.

Le vide laissé par sa disparition inopinée et brutale est immense.

Pour ma sœur, pour son fils et pour moi, d'abord; mais aussi dans la communauté scientifique où il occupait une place éminente.

Yan était l'un des tous premiers, sinon le premier des historiens du droit romain.

Pourtant rien dans sa nature fantasque et artiste ne semblait le prédisposer à d'aussi austères et rigoureuses études. Il aimait follement la musique et la danse, il était amoureux des belles villes - de Rome et de Venise en particulier -, il était rêveur et donnait souvent l'impression " de ne pas être là ", il était distrait à perdre ses clefs plusieurs fois par an.

Pourtant  il choisit non pas des études littéraires, mais de faire son droit.

Nommé magistrat après son passage à l'école de Bordeaux, il ne trouva pas dans cette activité l'épanouissement intellectuel qui a toujours été sa quête primordiale.

Très vite, donc, il s'orienta vers l'enseignement en faculté dans un premier temps, puis, lorsqu'il eût déjà publié un certain nombre d'articles sur des aspects originaux du droit romain, à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes.

La mort l'a pris alors qu'il était en pleine activité : d'une part il avait initié le Cente des Normes Juridiques qui porte son nom depuis sa disparition, il portait à bout de bras un doctorat européen qui rencontra un vif succès auprès de la jeunesse de notre continent et il multiplia les participations à des séminaires internationaux où sa vision atypique et rigoureuse à la fois était attendue et admirée, d'autre part il travaillait à mettre en cohérence les multiples travaux et publications étalés sur plus de vingt ans de travail harassant.

Il était plongé dans ces activités lorsque la mort vint le prendre.

Heureusement ses collègues de plusieurs pays et certains de ses étudiants ont entrepris depuis 2008 de coudre ces morceaux épars et de publier progressivement, chez Gallimard et au Seuil, l'ensemble de ses travaux sous le titre générique : Les Opérations du Droit.

A la lecture du premier volume de cette somme, paru en 2011, on s'aperçoit clairement de ce qu'on soupçonnait déjà en lisant ses différents articles : que la pensée juridique et philosophique de Yan appliquée à une matière pourtant vieille de deux millénaires, est d'une totale modernité et que les mécanismes constitutifs de la pensée juridique qu'il a mis à jour et analysés sont des clés qui ouvrent les questions les plus ardues posées par l'évolution des mœurs et de la vie internationale.

On peut y puiser des repères pour s'orienter dans le dédale des bouleversements apportés par les nouvelles technologies, par l'évolution extraordinaire des règles de la vie privée, par la mondialisation et par les défis environnementaux.

Devant la commission parlementaire réunie pour la circonstance, il avait apporté le vif éclairage de sa pensée dans la célèbre affaire Perruche.

Il n'est pas douteux qu'il pourrait donner des repères solides dans les débats actuels sur la fin de vie, le mariage homosexuel, l'adoption, la parentalité, la filiation.

Mais c'est abusivement que j'emploie le conditionnel : en réalité les responsables politiques et sociaux qui sont amenés à faire des choix aussi fondamentaux pour l'avenir de l'humanité ont à leur disposition les œuvres de Yan, remarquable boussole en ces temps de tempête.  

 

Commentaires

bluedreamer le 18-11-2012 à 13:39:03
bel hommage !