Avant de continuer le récit de mes aventures villageoises, il me parait utile et surtout amusant de parler de quelques protagonistes "importants" et de tâcher de brosser leur portrait.
A tout seigneur tout honneur, je commencerai par le maire, vice-président du conseil général, député, président du principal parti de droite, le RPR... ouf !
On comprend qu'avec une telle carte de visite, cet énarque et polytechnicien ait paru gigantesque aux nains locaux, et que ceux-ci, accoutumés à fléchir l'échine devant les supérieurs tout en médisant dans leur dos, l'aient considéré avec les respect mêlé d'effroi de Sganarelle devant la statue du Commandeur.
On comprend aussi aisément pourquoi, lorsque je me dressai contre son autoritarisme et contestai certains de ses choix désastreux, les nains affolés firent corps avec lui, jusqu'à en donner la nausée. Mais n'allons pas trop vite.
Le personnage, donc, était du genre gendre idéal - mais il était déjà marié - lorsqu'il fondit sur la ville, dépêché par son parti où il avait déjà fait un bout de chemin et puissamment secondé, dans ce département agricole, par l'influence de son frère aîné, alors dirigeant national du Crédit Agricole.
Ses diplômes, son aura de proche du premier ministre de l'époque, Jacques Chirac, son insoupçonnable vie de famille, tout le désignait à la respectueuse admiration de la populace.
Il était alors, en plus jeune, ce qu'il devint au cours des trente et une années où il domina le village : intelligent et très capable dans le domaine qui était sa spécialité : les finances publiques, mais incroyablement emprunté et maladroit avec les gens.
Qui n'a pas subi un discours du monsieur n'a pas une idée juste de ce qu'est l'ennui. Ce n'était qu'une succession de platitudes mal ficelées, de chiffres assommants, une langue de bois massive et soporifique.
Je l'ai un jour entendu dire à l'arbre de Noël des enfants des employés municipaux en guise de conclusion à son pesant speach : « par conséquent, joyeux Noël, les enfants ! »
Entre lui et moi, cette finesse, cette dimension humaine qui lui manquaient ont été, plus que tout autre chose, la raison de l'incompréhension et de la rupture.
Un jour qu'il dînait chez moi, la conversation étant venue sur les nombreux animaux que j'héberge, il me demanda à quoi ils servaient.(*)
Ecrasant les pieds de ses malheureuses cavalières dans les bals de la mairie, lourd et maladroit dans ses contacts, mais pourtant avec des saillies d'esprit, par moment, toujours aigres et souvent méchantes.
Volontiers médisant à l'égard des personnes qu'il n'aimait pas, c'est à dire à peu près tout le monde, il accusa un jour publiquement, devant moi, un jeune conseiller général depuis décédé, d'être cleptomane et de voler des pantalons dans les magasins. C'est là une anecdote qui peint, je trouve.
Les choses s'aggravèrent et il devint carrément pénible lorsqu'il accéda au poste éminent de rapporteur général du budget à l'Assemblée Nationale.
Lui qui, depuis son arrivée déjà, avait cultivé le secret et le "pouvoir" personnel, devint un maniaque qu'aucun raisonnement, même le plus élémentairement de bon sens, ne pouvait plus convaincre.
Ses adjoints et ses collaborateurs de la mairie - dont je ferai plus loin le portrait - s'en rendaient compte, bien sûr, mais tendaient le dos sous la gouttière, allant même, dans leur servilité, jusqu'à se déchaîner contre moi pour bien marquer leur allégeance au maître, qui ne s'apercevait pas qu'ils intriguaient dans son dos, comme l'avenir allait cruellement le lui apprendre...
( à suivre )
(*) Un adjoint de Sens qui dînait avec nous s'exclama alors : « mais t'es c.. et tes gosses, à quoi ils te servent ? » Il m'ôtait les mots de la bouche.
Commentaires
" tes copains", quels copains ?
Je suis impatient de lire la suite.Tes copains vont-ils en prendre plein la tronche.A bientôt de te lire.