Puisque j'évoquais dans le précédent épisode de ce feuilleton provincial l'année 1984, celle de la rupture avec l'ancien maire et son équipe, j'en profite pour dire quelques mots de la création, cette même année, de l'U.T.J.
Ayant été durant un peu plus d'un an "responsable" ( le mot est à mettre entre guillemets au regard du peu d'autonomie que le dictateur mou qui présidait alors aux destinées du village laissait aux adjoints ) de la culture, j'en connaissais les lacunes.
Hormis quelques dévoués spécialistes de l'histoire extrêmement locale, comme il en existe dans toute la France et qui, d'ailleurs, ne sont pas sans utilité, le village manquait cruellement d'un relais entre le monde de l'Education, plutôt florissant, et la petite frange de la population avide de connaissances, qui ne trouvait pas sur place de quoi satisfaire son appétit. Il me paraissait incongru que dans une commune dotée d'un très grand lycée polyvalent, d'un collège et de plusieurs écoles les enseignants ne soient pas du tout sollicités pour faire profiter nos concitoyens de leur culture.
L'idée, toute simple, était donc d'utiliser ces talents de façon quasi bénévole, pour animer le village et permettre un lien plus étroit entre les générations, les parents ayant les mêmes professeurs que leurs enfants.
Bien que chassé de la "majorité" et isolé au sein du conseil municipal, majorité de droite et opposition de gauche confondues (1), à la notable exception d'un jeune conseiller révolté par les méthodes autocratiques du maire, je proposai à celui-ci mon projet de création d'une université populaire sur le modèle de ce qui existait déjà dans certaines villes.
Celui-ci fit mine de s'y rallier, mais dès le début y mit tous les obstacles qu'il put.
Les survivants de cette lointaine époque se souviennent sûrement que le soir de l'assemblée générale constitutive, en présence du maire de Sens, parrain de l'association, la porte de la mairie où devait avoir lieu la réunion resta fermée, et que les nombreuses personnes présentes durent, sous la pluie, longer les quais de l'Yonne jusqu'à la Halle aux Grains que l'adjoint représentant la municipalité, gêné par ce qu'on nous obligeait à vivre, nous ouvrit. Il fallut que les personnes présentes, maire de Sens en tête, installassent les chaises et les tables...
Quelques mois plus tard, devant le succès de l'Université pour Tous du Jovinien à qui on avait royalement réservé comme local administratif une masure en ruine sur l'esplanade du "château"(2), le maire s'avisa de créer des cours de langue gratuits, quand nous étions forcés, pour dédommager les professeurs et régler les factures diverses, de demander une modeste participation aux étudiants.
Cette petite traîtrise mesquine, qui peint tellement bien le fonctionnement clanique qui devait s'avérer si destructeur pour la commune, ébranla notre jeune association, mais les étudiants y restèrent fidèles malgré tout.
Presque 30 ans plus tard, l'U.T.J. est toujours là.
(1) je reviendrai un jour sur cette "opposition" tout aussi servile que la majorité et qui se donna bonne conscience en mettant sur le compte d'une rivalité d'ambitions, ce qui n'était qu'un harcèlement violent que le maire, aidé de ses sbires, me fit subir dès cette époque.
(2) Ce bel hôtel particulier de la famille des Gondi était alors laissé à l'abandon. Un jour, de mon "bureau" de l'U.T.J., j'entendis de sinistres craquements provenant de l'aile Nord. J'en avisai la mairie qui finit par envoyer sur place le lendemain une petite délégation menée par le premier adjoint.
Celle-ci n'avait pas fini de franchir la porte que tout s'effondra quasiment sous ses pieds. Un club de tir à la carabine était installé dans les sous-sols de cette bâtisse du XVIe siècle !