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Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 11-11-2013 à 12:39:21

Un si charmant village (10)

Car à partir de là ma vie à la mairie devint un petit enfer.

On me dira, et on n'aura pas tort - d'ailleurs beaucoup de mes proches me le dirent alors - que j'aurais mieux fait, pour mon repos, de laisser tout cela et de m'occuper des miens et de moi-même.

Mais c'eût été sans compter avec ce diablotin d'amour propre sur lequel La Rochefoucauld a tout dit, et qui est souvent maître de nos actions.

« Quoi ! Je me laisserais ainsi maltraiter et fouler aux pieds ? Pas question » répondais-je avec la fougue de la jeunesse.

On ne m'épargna rien.

Mon nom fut effacé du tableau des adjoints affiché à la porte de l'hôtel de Ville; on enjoignit aux secrétaires de ne plus prendre aucun courrier venant de moi; on multiplia les occasions de me nuire et de ruiner ma réputation, bref on pratiqua ce qui s'appelle un harcèlement, et qui est sévèrement sanctionné par la Loi.

Cependant rien n'y faisait, je ne bougeais pas de mon poste et demeurais toujours, en titre, adjoint au maire " chargé du cinéma" avec, seul de mes 7 collègues, une demi-solde .

On passa alors aux grands moyens.

Comme la règle de ces années-là était qu'un maire ne pouvait pas renvoyer un adjoint ( au nom de la séparation - fictive - des pouvoirs, puisque le maire et ses adjoints procèdent d'une élection du conseil municipal que seul le conseil peut défaire ), ce courageux personnage décida de démissionner, entraînant à sa suite la démission des 8 adjoints.

Ceci se passa le 28 septembre 1984, soit un an et demi après l'élection municipale.

Tous les habitants du village en âge, alors, de comprendre ce qui se passait se souviennent sûrement de cette mauvaise comédie et de ces mauvais acteurs : le maire, son veule premier adjoint et son équipe temblotante.

Mais n'anticipons pas, retournons quelques jours en arrièrre.

Ne disposant d'aucun motif crédible pour en arriver à une telle extrêmité, le maire fit donner le ban et l'arrière-ban.

Trois éléments, qui seraient risibles s'ils ne versaient un jour aussi gris sur cette fine équipe, furent invoqués pour  me jeter à terre :

- d'abord, subrepticement selon sa nature, le maire prétendit dans une lettre ouverte que j'excipai de mes fonctions d'adjoint pour obtenir des avantages indus, sans, naturellement en citer un seul, comme si leur nombre l'empêchait d'en dresser la liste. Procédé classique des sycophantes.

- en deuxième lieu, toujours dans la même lettre, parue dans la presse le samedi 22 septembre, il écrivait :     «  je vous indique que le port de l'écharpe d'adjoint au maire n'est prévu que dans des circonstances très précises...  »;

Que pouvaient en déduire les lecteurs du journal ? Que j'abusais du port de l'écharpe tricolore à n'importe quelle occasion moi qui, en 18 mois, ne l'ai pas une seule fois sorti de sa boîte.

Une courte remarque à ce sujet : dès lors qu'on interdit une chose à quelqu'un publiquement, on sous-entend, pour que cette interdiction ait un sens, que ce quelqu'un s'est rendu coupable de la chose ou à tout le moins qu'il y songe.

Le maire se rendait là coupable d'une des formes les plus ignobles du mensonge, celui où le menteur suggère sans dire et laisse à l'auditeur le soin de se persuader tout seul de la véracité de ce qu'il susurre et de la faute prétendue qu'il semble dénoncer avec ménagement.

Ce genre de procédé est à mi-chemin entre la délation et le lancement de la rumeur. Il devait d'ailleurs assez bien fonctionner !

( dans la suite de cette chronique on aura l'occasion de rire du troisième reproche qu'on me fit publiquement, d' apprendre une petite horreur commise par le premier adjoint de l'époque, dont je n'ai encore jamais parlé, et  de voir les conséquences de toute cette minable cabale. )