J'en suis resté à cette campagne de calomnies que le maire et ses complices - élus ou employés municipaux dépendants alimentairement de sa bonne volonté - maniaient contre moi.
Elle était insidieuse et hypocrite, à l'image du personnage, qui, extrêmement prudent comme le sont généralement les menteurs calculateurs, ne procédait jamais autrement que par sous-entendus, allusions perfides et rumeurs.
Parlant des manœuvres de Bossuet, évêque de Meaux qui durant la querelle du quiétisme dans les années 1690 tâchait de le compromettre, Fénelon écrit :
« Le médecin en se vantant de me guérir d'une maladie que je n'avais point, me faisait passer pour malade. »
Je ne saurais mieux dire à quoi furent employés les quelques mois qui suivirent.
La chose alla fort loin.
Comme décidément on ne parvenait pas à bout de ma résistance, on en vint aux grands moyens.
D'abord, on manigança une ridicule histoire de photocopieuse en m'accusant de me faufiler la nuit dans la mairie pour tirer des centaines de photocopies. On n'en trouva jamais une seule, on fut incapable de dire en quoi elles consistaient, mais peu importe, on rêvait de me salir, et on me salissait.
Cependant on ne parvenait encore qu'à faire sourire les villageois, et ce n'était pas là ce qu'on recherchait. On trouva donc autre chose.
Le premier adjoint, être rondouillard et finaud d'une extrême souplesse d'échine, fut l'instrument de la manœuvre.
J'étais en train d'organiser pour mes élèves de grec du lycée un voyage vers Athènes qui devait durer 15 jours durant les vacances de Pâques 1984.
Il demanda en sussurant à l'oreille d'un des parents, médecin très favorable au maire, s'ils ne s'inquiétaient pas de cette initiative, et de ce qui, de mon fait pouvait arriver à leurs enfants...
On voit jusqu'où ces personnages étaient prêts à aller pour obtenir ce qu'ils cherchaient à atteindre. Dans un article du Quotidien de Paris daté du 5 octobre 1984, ce méprisable personnage devait même reconnaître : " si on avait trouvé un autre moyen pour le démissionner, on aurait préféré ne pas amuser la galerie comme ça ". Tout est dit !
Le parent d'élève médecin - le docteur G... - fut outré de ce que le premier adjoint lui avait perfidement insinué ( à moins que - ce que j'espère n'être pas le cas - il fût lui-même complice ); il m'en avertit sur le champ.
Comme on le pense bien, mon sang ne fit qu'un tour.
Le jour même je surgis dans le bureau de ce misérable adjoint et lui mis en public une gifle retentissante en le traitant de "vieille ordure".
Mes ennemis n'attendaient que cela. Enfin on allait pouvoir justifier la démission du maire et de ses adjoints ! Enfin on était débarrassé de moi !
Le maire organisa une petite mise en scène et prit la parole devant ses collègues qui pour la plupart baissaient la tête. Je ne résiste pas à citer ses mots tant ils atteignent à une sorte de perfection dans la tartufferie larmoyante :
" Vous vous êtes permis, Monsieur, il y a quelques jours, de traiter "d'ordure" notre collègue le plus ancien, celui que nous aimons tous celui qui a tant donné, qui a toujours été d'une parfaite intégrité, etc."
Il est à noter que personne parmi les élus ni dans la presse, qui pourtant multipliait ses ventes au cours de ces évènements ( je reviendrai bientôt sur le rôle de celle-ci dans le village, et sur sa conception toute particulière de la déontologie ), n'eut la curiosité de savoir quelle mouche avait bien pu me piquer pour insulter ainsi un honorable vieillard, sans raison " en pleine paix ", comme dit Bernard Blier dans le film-culte de Lautner.
Rendez-vous fut fixé au vendredi 5 octobre pour la grande cérémonie de démission collective et de réélection séance tenante.
Commentaires
Cette rubrique est passionnante comme toutes les autres d’ailleurs. Les moments que vous relatez dans ces chroniques sont absolument pathétiques et rappel une nouvelles fois les heures noires de ce village. Que de temps et d’énergie perdus à se battre avec des gens qui ne font que regarder la pointe de leurs chaussures plutôt que consacrer cette énergie a la tâche pour laquelle ils sont grassement payés. Je me souviens avec émotion de ces périodes et j’ai peur, qu’avec l’arrivée des prochaines élections, ce village ne revive des évènements similaires.
Il est vrai qu’avec la municipalité actuelle une page c’est tournée mais l’incompétence la bien remplacée. Salutations Monsieur.
Un trait définitif, oui.
Mais je n'ai pas oublié pour autant, et comme la vie du village continue, je pense que mes concitoyens seront éclairés par cette chronique qui n'est pas encore arrivée à son terme.
j'ai lu tous les épisodes et je vous crois pour avoir côtoyé certains élus. J'espère pour vous que vous avez réussi à tirer un trait sous cette incroyable période de votre vie.
Oui, cher bluedreamer, tout ce que je raconte depuis le début de cette chronique est l'exacte vérité de ce que j'ai vécu dans une petite ville de Bourgogne - un village par son étroitesse - dont j'ai été l'élu entre 1983 et 2008.
Votre question est plus que légitime tant tout cela semble sortir d'un Maupassant ou de " 7 morts sur' ordonnance".
du vécu ?