L'excellente émission quotidienne d'Yves Calvi sur la 5 était hier, jour de Noël, consacrée au bonheur.
Les participants, philosophes, psychologues, sociologues ont tous, et harmonieusement, tenté de définir cette notion à la fois évidente et fugitive, comme tout ce qui est essentiel, d'ailleurs.
Leur débat a réveillé en moi une vieille envie, toujours restée au stade de projet sans le moindre début de concrétisation : écrire, à la façon des Anciens, une sorte de traité du bonheur.
Il n'y a pas de définition universelle de ce concept ( qui n'en est pas vraiment un puisqu'il ne peut que s'incarner et cesser par là de demeurer à l'état d'idée ).
Mais il y a mille façons d'y parvenir, lesquelles procèdent pour une part de notre naturel, mais en grande partie de notre enfance, de notre éducation, des endroits où nous sommes nés, où nous avons vécu, du milieu culturel et social qui est le nôtre, de nos expériences bonnes ou mauvaises.
Bref, les paramètres qui peuvent nous permettre d'être heureux, ou pas, sont si nombreux, si complexes, si imbriqués l'un dans l'autre que peu s'en faut qu'on ne puisse, au bout du compte, les nommer "hasard".
Certes, on est plus ou moins doué pour le bonheur, certes la chance joue un rôle majeur dans cette propension, mais il reste que chacun de nous peut, par un travail sur lui-même, s'ouvrir je ne dis pas au bonheur, mais à la possibilité du bonheur.
Une notion, qui pourtant me semble centrale dans cette problématique, n'a pas été abordée par les intervenants d'hier, celle du contentement, de la suffisance.
Les verbes pronominaux "se contenter, se satisfaire" sont le plus souvent employés de façon restrictive, voire négative, par défaut.
Je me contente, je me satisfais de quelque chose de modeste, d'insuffisant au regard de mes attentes, mais par sagesse, faute de pouvoir obtenir mieux.
Cette acception est de loin la plus courante, un peu décevante, légèrement teintée de pessimisme.
Mais ces deux verbes peuvent être entendus avec une signification volontariste et positive : non pas "je me résigne", donc, mais "je suis content, je suis satisfait ( = fait assez), je suis heureux de ce que j'ai".
Cette vision optimiste pose la question de notre société du toujours plus, porteuse de frustration et d'irritation.
Le commerce nous serine qu'il nous faut (= il nous manque), sous peine d'être malheureux, le nouveau modèle de tablette, de iphone, de voiture, le nouveau salon, le voyage sans lequel on ne peut pas être heureux, etc.
Georges Perec, dans Les Choses, a donné de cette société de consommation une peinture saisissante.
C'est la voie assurée vers la souffrance et le malheur, puisqu'il est bien clair que la réalisation des désirs aura toujours un temps de retard sur le désir lui-même.
La voie royale vers le bonheur est donc de jouir de son être et même de son avoir.
Il faut non pas chercher à avoir ce qu'on veut, mais à vouloir ce qu'on a.
Chérir les êtres, les lieux, les choses, aussi modestes soient-elles, que l'on a.
Se satisfaire, se contenter.