En enjoignant aux préfets de France d'interdire les spectacles de l'humoriste Dieudonné, Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, a pris une lourde responsabilité.
Déjà, quelques heures à peine après la promulgation de ce décret, les plaintes et les menaces se multiplient, toutes plus discutables les unes que les autres, et Valls qui jusqu'ici arrivait habilement à tirer son épingle du jeu dans la cacophonie gouvernementale et à demeurer populaire dans l'effondrement du président et de son gouvernement, vient de commettre son premier mais gravissime faux pas.
Sentant bien qu'il s'est pris lui même dans un engrenage dont il ne peut pas sortir indemne, voyant les caricatures se multiplier le présentant comme une sorte de petit dictateur ivre de pouvoir, il commence un frileux rétropédalage en affirmant, "droit dans ses bottes", que le courage en politique consiste à prendre des risques lorsque le bien public est en cause. Il fait rire.
Mais le plus grave n'est pas là et le sort de Monsieur Valls, après tout, n'intéresse véritablement que lui.
Ce qui se passe - et c'était évidemment inévitable - c'est la multiplication des plaintes, comme je le disais en commençant.
Le maire PS de Clamart Philippe Kaltenbach - que je connais pour avoir donné quelques conférences dans sa mairie - porte plainte contre X pour une "quenelle" photographiée devant l'Hôtel de Ville où avait été déployée une affiche pour la fête juive de Hanouka. On est en droit, d'ailleurs, de se demander ce qu'une telle affiche faisait à cet endroit plus que sensible dans notre République laïque.
SOS Racisme annonce qu'elle portera systématiquement plainte contre tout auteur d'une "quenelle devant un lieu symbolique". On imagine aisément la très large interprétation qu'on peut donner à ces mots, tout pouvant être considéré comme un symbole.
Comble de la stupidité et du dérapage, un professeur a été jusqu'a porter plainte auprès du procureur de la République de l'Essonne pour "apologie de crime contre l'humanité" contre deux jeunes gens de 17 ans coupables de s'être photographiés faisant une "quenelle" devant un ananas dans les couloirs de leur lycée.
Auparavant elle s'était déjà plainte au Proviseur lequel avait convoqué le conseil de discipline de l'établissement.
On aurait évidemment dû en rester là. Il est tout à fait exorbitant qu'un enseignant porte plainte devant la justice pour un problème disciplinaire sans violence portant sur la vie intérieure du lycée. Il s'agit là d'un grave dérapage dont les conséquences sont redoutables. D'abord parce que c'est un précédent qui ouvre la porte à d'autres excès du même genre. Ensuite et surtout parce que cette plainte signe un aveu d'impuissance et d'abscence dramatique d'autorité.
Valls, en signant ce décret absurde ivre de sa factice popularité(*) et mu par de petits calculs électoralistes, a ouvert la boîte de Pandore.
(*) Cette popularité va s'effriter : nous venons d'apprendre à l'instant que le Tribunal Administratif de Nantes, saisi en référé par Dieudonné, vient d'annuler l'interdiction que le préfet avait décidée à l'encontre du spectacle de ce soir !
Sa décision est de bon sens. Comme je le disais dans un précédent article, "le trouble à l'ordre public" ne peut pas être invoqué contre un spectacle qui a lieu dans une salle et qui, jusqu'à ce jour (puisque celui de ce soir est une reprise des précédents), n'a jamais produit aucun trouble, sinon dans l'esprit échauffé et confus de Valls.
Une fois de plus l'incapacité des membres de l'équipe au pouvoir éclate tristement au grand jour.
(**) Aux dernières nouvelles Valls a saisi le Conseil d'Etat qui a annulé la décision du Tribunal Administratif. A deux heures de son début, le spectacle est donc interdit.
Ce résultat est présenté par Messieurs Valls et Ayrault ( qui semblent considérer que cette affaire est plus urgente que toutes les autres) comme une grande victoire de la République. C'est, on s'en rendra compte bientôt, une victoire à la Pyrrhus.
Les dégâts seront immenses. Les positions des uns et des autres vont se radicaliser. Le pays, qui n'en a certes pas besoin, va se diviser un peu plus au grand bénéfice des extrêmes. L'affaire Dieudonné ne fait hélas que commencer.
Provisoirement le ministre se taille dans un tissu défraîchi un costume d'homme d'Etat. Il va très vite en payer le prix fort.
Commentaires
"sans s'en rendre compte" ? Vous croyez ?
Je pense plutôt qu'il en est parfaitement conscient et que c'est un calcul cynique pour gonfler les voix FN d'ici aux prochaines échéances.
Je suis de votre avis en revanche sur le résultat final : ils finiront par payer une addition salée.
Le censeur sera censuré!
Le peuple dispose des pleins pouvoirs et il se fera entendre, j’en suis sûr.
Sans s’en rendre compte c’est lui qui attise la haine.
La machine à perdre est en route…
@ fugace
Je le dis dans l'apostille à mon billet de ce jour : je pense comme vous qu'i lne faut surtout pas que cet homme à l'ambition voyante devienne un jour président.
Je crois pouvoir dire - avec précaution car en politique tout est possible - qu'il n'en prend pas le chemin.
Mais le pire est pour Hollande qui devait compter sur lui à Matignon pour remonter dans les sondages !
Bonjour F.-M. T
La médiocrité intellectuelle est à mon sens pardonnable. Mais quand elle se double de malhonnêteté intellectuelle s’agissant de ce triste sire, il y a de quoi réagir. Nombre de politiques de cet acabit sont mauvais parce que justement ils en ont fait un métier non pas pour le bien commun, mais pour leur propres intérêts. Et quant ils utilisent leur intelligence pour leur seul égo, alors : Danger !
Ces événements vont rester dans la mémoire collective, et il es probable et souhaitable que ce personnage n'atteigne jamais la fontion suprême. Francisco, c'est pas si loin !