Je m'arrache un moment à la contemplation de la mer des Caraïbes pour revenir à la grisaille du village de ces années là.
Nous sommes donc à la fin des années 80, quand je vivais cette double vie troublante, divisée entre un métier que j'adorais, des élèves dont j'avais la satisfaction de nourrir la réflexion et la sensibilité, et une activité frustrante d'élu maltraité, vilipendé et calomnié.
Ce chemin du lycée à la mairie était, en exagérant un peu pour faire bien sentir ce que je vivais alors, celui du paradis à l'enfer.
Je redoublais pourtant d'application et d'efforts.
D'abord pour assister assidûment aux nombreuses commissions municipales dont j'étais membre.
Une remarque à ce propos, qui peut être instructive pour ceux d'entre vous qui ne sont pas familiers de ces choses : l'opposition, par définition beaucoup moins nombreuse que la majorité en raison du système électoral en vigueur dans les communes, est forcée de se multiplier pour être présente dans toutes les commissions, aux visites de chantier, etc.
Il est assez facile de comprendre que 25 personnes se répartissent différemment les sièges que 2 ou 4, comme c'était le cas de l'opposition de ces années là, et que chaque conseiller de la majorité fournit, mathématiquement, un effort infiniment plus modeste que ses collègues de la minorité.
Quand par surcroît tout ce travail méticuleux et fatiguant doit se faire dans une atmosphère d'hostilité permanente, en passant par des employés municipaux bridés par le dictateur mou qui les terrorisait en les menaçant de la mise à pied, avec une totale absence de soutien logistique et financier, on mesure l'Himalaya que cette fonction bénévole représente, et le dévouement à la chose publique qu'elle nécessite.
Semaine après semaine, mois après mois, je m'accrochais aux devoirs de ma charge en considérant - ce qui s'est révélé exact - que notre rôle à mon jeune collègue et à moi-même était celui de garde-fous des dérives d'un homme imbu de lui-même et profondément persuadé de la veulerie et de la servilité du genre humain.
Par parenthèse, cette modeste expérience locale me permet de lire à livre ouvert dans ce qui se passe autour de moi, et de décrypter sans illusion les mensonges et les fausses sympathies dont on nous régale jusqu'au plus haut niveau de l'Etat...
La République, disait Montesquieu est fondée sur la vertu de ses responsables. Autant dire qu'elle est plus que chancelante, du bas en haut de l'échelle, et que sa cellule initiale, la commune, est atteinte comme le reste de son corps social par l'effrayante médiocrisation de ses cadres, qui va s'accélérant depuis l'époque dont je parle ici.
Le tyran mou qui présidait autocratiquement aux destinées de notre malheureuse commune était un caricature , comme en témoigne la citation qui suit.
Un ancien conseiller municipal, bâtonnier de l'ordre des avocats,devenu depuis haut magistrat, écrivait le jour de Noël 1987 :
« En cette période de fêtes, les enfants sages attendent la venue du Père Noël; en revanche on ne parle plus guère du Père Fouettard... Que les amateurs de vieilles légendes se rassurent, le Père Fouettard est revenu : il présidait, jeudi dernier, le conseil municipal... "silence dans les rangs, sinon gare à vous ! ...un procès verbal sera adressé à Monsieur le procureur de la République !"
Je voudrais rassurer les citoyens : M. le procureur de la République connaît la loi, lui. » ( cf. Yonne Républicaine du 24 décembre 1987)
Cependant, tandis que que le petit tyran s'employait à faire taire tout le monde et à réduire ses fidèles à l'état de carpettes, la gestion devenait de plus en plus désastreuse. Aucune perspective d'avenir, une économie locale qui commençait à se déliter, des travaux somptuaires, laids et inutiles, crevant tous les plafonds des budgets prévus et annoncés ( par exemple une stalinienne place du marché dont le coût bondissait en un jour de 676 à 880 millions de francs, pour finir à 1200 millions, sans que le panneau informatif placé sur le chantier ne soit jamais modifié !)
Un soupçon, d'ailleurs, ne m'a jamais quitté depuis ces multiples dérapages budgétaires venant d'un spécialiste de la fiscalité et des comptes publics. On sait qu'à l'époque dont je parle les partis se finançaient comme ils pouvaient et que les mairies et les conseils généraux et régionaux étaient de ce point de vue des aubaines pour eux...
L'année 88 fut marquée par l'élection présidentielle qui donna lieu à un vaudeville grotesque de la part du tyran mou. Comme j'étais assesseur du candidat Raymond Barre pour la commune et que le maire soutenait Chirac ( qu'il trahit par la suite), il eut l'audace de requérir les forces de l'ordre le jour du scrutin et de me faire expulser du bureau de vote de l'Hôtel de Ville !
Le mandataire de R.Barre, sénateur et président du conseil général, lui enjoignit aussitôt de me faire libérer (car on avait osé me mettre en garde à vue) et de me rétablir à ma place au bureau ce qui fut fait une heure plus tard.
On voit jusqu'où l'individu était prêt à aller pour briser ceux qui avaient le front de ne pas se coucher.
Aux élections législatives qui suivirent, je fus candidat suppléant du maire de Sens, et nous fûmes battus avec seulement 13,16 % des suffrages.
Ce revers prévisible n'affecta en rien ma détermination à achever activement mon mandat de conseiller, lequel arriva à échéance en mars 1989.
Auparavant, pour mettre en pratique la vision que j'ai de la vie associative et du nécessaire renouvellement des dirigeants, je ne me représentai pas à la présidence de l'Université pour Tous que j'avais créée quatre ans plus tôt, tout en continuant à y enseigner chaque semaine.
(Dans le prochain article de cette suite, j'évoquerai les années 1989 à 1995.)
Commentaires
@lacigogne
Pour signer la pétition en faveur de l'émission de F. Taddeï, il vous suffit , dans l'article que je lui ai consacré, de cliquer sur l'adresse internet que j'ai recopiée au début, puis de vous laisser guider.
C'est simple, puisque j'y suis arrivé !
J'ai voulu écrire:" les vœux du maire" ..Boueux.. Pas mal.. Lapsus..??!! Je n'ai pas trouvé ou signer la pétions en faveur de F. Taddei.. Je le crois honnête..intégre.. Chaque signature compte.. Fse
P.S.
Egalement sur le forum de CSOJ (France 2). mais hélas, c'est plus timide :
http://forums.france2.fr/ce-soir-ou-jamais/Votre-avis-sur-l-emission/suppression-grimpante-soutien-sujet_1221_1.htm
Bonjour,
En lançant une simple recherche sur le Net avec : pétition, Taddéï
Vous arrivez sur le lien du site "change.org" sur lequel il faut se créer un compte.
= Pétition [[[ Remettre l'émission de Frédéric Taddeï "Ce soir ou jamais ...https://www.change.org/.../pétitions/rémy-pflimlin-remettre-l-émission-de-f...
Il y a 10 heures - L'émission de Frédéric Taddeï est l'une des très -trop ?- rares émissions de débat public, ayant pour ligne de conduite d'inviter des personnes ...]]]]
ou en copiant directement ce lien :
https://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/r%C3%A9my-pflimlin-remettre-l-%C3%A9mission-de-fr%C3%A9d%C3%A9ric-tadde%C3%AF-ce-soir-ou-jamais-sur-france-2-csoj
Hier 2500 signatures, aujourd'hui 3900. En espérant que l'info fera tache d'huile pour atteindre les 100 000 .
Cordialement.
chcl
J'ai de la considération pour Taddeï, qui fait son métier avec zèle et liberté de pensée.
Vous m'apprenez qu'on lui cherche des ennuis et qu'une pétition circule en sa faveur. Pourriez-vous, pour les lecteurs et pour moi-même dire comment on peut la signer ?
Bonjour,
Je nai pas lu tous les fils précédents, mais avec celui-ci je mesure déjà bien ce que nombre de tyrans sont prêts à faire (et sans doute le font encore) pour garder coûte que coûte le pouvoir et tout ce qui va avec. Et quand en plus ce sont des manipulateurs ou pervers....
J'ai observé ce genre de situation aussi dans le monde du travail, qu'associatif. On peut même se demander pourquoi ce type de "situations très particulières" ne dégénèrent pas en devienant violentes, voir très violentes et n'entraînent pas des règlements de compte.... sans issue.
Car il en faut de la constance pour demeurer serein et garder son calme. Alors passées les épreuves, quoi de mieux que de l'écrire pour se décharger de la colère.
Mais qu'est-ce donc qu'un homme vertueux, et surtout comment faire pour que les citoyens soient vertueux ? Tel est le véritable problème. Nous en connaissons la réponse : l'éducation au Bien Commun. Car enfin, la vertu, n'est-ce pas de penser d'abord aux autres, en cherchant le bien pour tous et pas d'abord et uniquement pour soi-même, pour ses proches ou pour ses amis ?
« Faites-moi des hommes vertueux, je vous ferai une véritable démocratie », avait coutume de déclarer je ne sais plus qui.
P.S. Frédéric Taddéï est mis à son tour en difficulté, ce qui me met en colère. J'ai donc trouvé et signé la pétition de soutien.
Cordialement.
ChCL
De tels agissements sont ignobles et indignes.. Mais l'engagement politique de certains n'est qu'un moyen d'être partisan pour le clan représente.. Ou moyen de servir leurs propres intérêts..il y a eu ce jeudi les boueux du maire de votre village..!! ToUT VA BIEN.. On a perdu 400 emplois avec le départ du régiment.. Des maisons à vendre.. Plus de magasins..mais..puisqu'on nous le dit.. Yala.. Fse
Grâce à cet article, je peux mieux comprendre maintenant le cran que vous avez eu pour remplir la mission que vous ont confié vos électeurs
Quelle vertu !
Si les fondations de la République reposent sur la vertu de ses responsables, elle est devenue une chose (res publica) très fragile
Je crains que bientôt il faille reconstruire autre chose, mais qui reposera sur quoi? Sur des têtes au bout de piques? Nous sommes déjà dans une société qui coupe des têtes