Mon départ pour la Nouvelle Calédonie, fut ressenti comme une chose inouïe dans cette petite ville où pour beaucoup, prendre un car pour aller à la ville voisine constitue déjà une sorte d'aventure.
6 mois après avoir été seul élu de ma liste, lassé des petites querelles du village et pressé par les dettes que cette campagne avait fait peser sur mes très modestes finances personnelles, je décidai de repartir Outre-Mer.
Je rejoignis donc pour 3 années de contrat le Territoire de Nouvelle Calédonie, territoire lointain, comme on le sait, et qui, en 1989, sortait à peine des terribles évènements qui l'avaient ensanglanté, lesquels venaient de se clôturer par l'assassinat, entre autres, de Jean-Marie Tjibaou par un indépendantiste canaque fanatique. J'étais muni d'une délégation auprès du Haut-Commissaire de la République pour le Territoire.
J'aurai l'occasion dans un autre cadre de raconter ces trois années de ma vie, mon action sur le "Caillou" et de donner mon point de vue sur ce que j'ai pu vivre et ressentir de cette période passionnante.
La question de ma démission du Conseil sembla beaucoup intéresser tant l'opposition de gauche que ceux qui, à droite, avaient trahi ma confiance en favorisant l'éclatement de l'AJEP et en se faisant élire contre moi après des mois de travail en commun.
Je ne démissionnai pas. J'eus l'occasion de répondre au journaliste qui m'interrogeait sur ce refus de céder mon siège que je restais en contact avec les affaires municipales et que l'inversion du calendrier scolaire de l'hémisphère sud me laissait la possibilité de siéger normalement durant les trois hivers de mon détachement dans le Pacifique. Ce que je fis avec une grande régularité.
Pour bien marquer que ma seule préoccupation, qui était les affaires de la commune, n'était que très légèrement affectée par cette situation assez inhabituelle, je donnai même une délégation de vote permanente à l'un des adjoints en place, honnête homme qui sut durant trois ans, au risque d'être mal compris par ses colistiers, en faire un usage tout à fait correct, ne votant que ce que j'aurais moi-même voté.
Le comble est que les deux parties de l'AJEP qui m'avaient trahi en constituant deux listes concurrentes à la mienne après avoir compté sur moi durant trois ans pour assurer leur promotion dans l'opinion, criait au scandale et à la trahison, trouvant anormal que ma voix ne leur fût pas donnée !
Qu'il soit dit en passant que ceux qui vociféraient le plus fort étaient, bien sûr, ceux-là mêmes dont la trahison était la plus patente, et qui s'étaient mis au service d'un obscur militaire à la retraite qui, quelques mois plus tard, devait se rallier au maire, toute honte bue.
Tant il est vrai que lorsqu'on a franchi les garde-fous de la morale, il n'y a plus aucune limite au culot !
Aux élections cantonales de 1994, le maire faillit être battu par un médecin jovinien, ancien conseiller municipal, qui ne lui céda que de 0,5 %.
Le coup était passé fort près.
Cela donna au battu une irrépressible envie de se présenter aux municipales suivantes, celles de 1995.
De retour en Métropole je l'aidais à constituer la liste que, malgré son score avantageux de l'année précédente, il ne parvenait pas à élargir au delà du neuvième nom. Ce fut fait en 15 jours. Et nous présentâmes aux électeurs une équipe intéressante, expurgée de ceux qui, quelques années plus tôt m'avaient abandonné en pleine campagne et qui, cette fois-ci, en vrais renégats, partaient sans état d'âme sur la liste du maire sortant, comme je l'ai dit plus haut !
Telles sont les mœurs de ce village, où le bon peuple, sérieux et travailleur, est représenté par une petite bourgeoisie prétentieuse, inculte et traître qui rend trouble tout ce à quoi elle touche et qui désespère peu à peu l'électorat par ses petites manœuvres mesquines et égocentriques.
Dix neuf ans plus tard - en 2014 - on le verra à la fin de cette chronique qui couvre trois décénnies, rien hélas, n'a changé. Peut-être même est-ce pire que jamais.
Je profite de l'occasion pour lever une ambiguité qui, je le sais, trouble certains des habitants du village qui ont pu être choqués par le fait que je les aie traités de c... Il ne s'agit pas d'eux, bien sûr, qui ne sont que les victimes - parfois complaisantes il est vrai - de cette petite caste antipathique et close sur elle-même, reste ranci de la province balzacienne, intrigante, incapable et amorale.
C'est elle que j'ai toujours trouvée me barrant la route, vexée d'être dépassée par quelqu'un " qui n'est même pas d'ici ", plus ouvert et - je le dis sans forfanterie, parce que c'est tout simplement vrai - plus capable qu'elle.
Et le maire, pourtant plus que conscient de la médiocrité de ces gens, finit par faire cause commune avec eux pour se mettre dorénavant à l'abri de toute nouvelle mauvaise surprise. Il allait le payer cher une quinzaine d'années plus tard ! Mais n'anticipons pas.
Le premier tour de l'élection de juin 1995 vit la mise en ballottage du sortant qui, il est vrai, ne rata son élection au premier tour que d'un cheveu.
Au second tour, il fut élu par 55,5 % des voix contre 31,4 % à la liste dont j'étais second et 13,5 % à la liste de gauche.
Je me retrouvai donc conseiller pour un deuxième mandat, en compagnie cette fois de quatre colistiers, puisque nous formions un groupe de cinq conseillers.
Le recours, pourtant tout à fait fondé que notre tête de liste introduisit contre cette élection ne fut pas couronné de succès.
Pourtant les abus avaient été réitérés, manifestes et grossiers. En effet, au mépris de la loi et de toute retenue morale, le maire sortant avait utilisé le bulletin municipal, amélioré dans sa présentation depuis le quasi échec des cantonales précédentes, comme organe de propagande ouverte. Cet état de fait scandaleux dura de décembre 1994 à mai 1995, soit un mois tout juste avant le premier tour.
A cet abus s'ajoutait un incroyable déferlement de tracts insultants et agressifs, remplis de sous-entendus portant sur la vie privée de ses adversaires, d'attaques personnelles basses, mettant en doute notre santé physique et mentale, notre capacité à lire le budget et à comprendre quoi que ce fût aux affaires de la Commune.
Ce climat délétère était complaisamment entretenu par le tyran mou qui devenait de plus en plus agressif et méchant.
C'est qu"il avait senti le vent du boulet et que, devenu vice-président du Conseil Général, député (il avait profité de la brève instauration de la proportionnelle intégrale instituée par Mitterrand pour gonfler artificiellement le Front National et gêner la droite parlementaire), président de son parti pour le département, plus personne n'osait, à part nous, lui tenir tête.
Pour en finir avec l'épisode que je raconte aujourd'hui, qu'on imagine qu'à cette époque pas si lointaine - il y 19 ans - l'opposition qui représentait 45 % des voix n'avait aucun espace d'expression dans le bulletin municipal, entièrement occupé par la désinformation, la déformation et la propagande officielle. Une sorte de Pravda de droite, soumise à un stalinien de droite....
(à suivre)
Commentaires
@ fugace
Je ne saurais vous répondre précisément tant le flot de voitures qui tentent d entrer dans ce village empêche toute visibilité
Si vous parvenez à y entrer à pied,évitez surtout "la" rue piétonne
A moins qu'il ne soit parti en vacances, vous le trouverez le samedi matin au marché, il va y chercher toute sa charcuterie
Bonjour F.T.
Bien évidemment que je lirai le feuilleton jusqu'au dernier épisode. Cependant je peux vous l'affirmer dès à présent : Que vous avez eu raison d'écrire tout cela pour le sortir un peu de vous-même et vous décharger des ces poids encombrants au bord de la route, maintenant. Si vous le permettez j'ai aussi une pensée pour votre entourage pour qui çà n'a pas dû être drôle tous les jours. On dit que le temps perdu ne se rattrape jamais; je suis convaincu du contraire, car il suffit de faire maintenant en beaucoup moins de temps que celui qui aurait été nécessaire hier.
Au-delà de tout çà, demeure tout de même une question enfouie que j'ose : Pourquoi vraiment ? Je suis convaincu que vous avez commencé à y répondre à vous-même.
@ fugace
Cocteau a raison. En ce qui me concerne, même si, quand je me repasse ces 25 années d'efforts et de frustration je me dis que j'aurais pu mieux utiliser mon temps ( qu'à présent je sais très précieux), je ne regrette rien.
Pourquoi ?
Parce que d'une part je ne pouvais pas, alors, ne pas m'engager contre les méthodes et le cynisme d'un tel personnage et de son entourage, d'autre part, et surtou,t parce que j'étais absolument passionné par ce que je faisais.
Je n'ai recueilli aucun fruit pour moi-même de toute cette action, de cette somme énorme de travail, d'imagination dépensée, de stress et, j'ose le dire, de souffrances de toute cette période.
Quatre campagnes municipales ! Quatre mandats sans aucun moyen financier, sans secrétariat, avec, à la fin de mes journées de travail au lycée, les commissions, les visites de chantiers, les séances du Conseil, l'animation de trois associations, etc.
Pourtant, la force de mon indignation et e mes convictions était telle, alors, que l'idée même de ne pas m'engager ne m'aurait pas effleuré.
Ce serait une sorte de révisionnisme de mauvais aloi que de dire maintenant que je le regrette, puisqu'à l'époque il n'était pas question de faire autrement.
Un peu comme ces pseudo-historiens qui, le cul sur leur chaise, font le procès des hommes du passé, faussant tout par leurs anachronismes.
C'est d'ailleurs pour me retemper dans le bain de ces années là et pour leur donner un sens à mes yeux que j'ai entrepris cette longue chronique.
Fugace, attendez la fin de la série : le maire actuel est un accident dont la présence n'est due qu'à l'aveuglement égocentrique du précédent. J'y viens.
@ decapetdepée
La punition ne va pas tarder !
@ decapetdepée
C'est où l'entrée du village ?
Je voudrais voir Monsieur le Maire.
Bonjour F.T.,
Quelle histoire !
transférable bien évidemment en de nombreuses villes et communes, mais pas seulement. Il est des parcours professionnels par exemple qui comportent tous les ingrédients rencontrés dans ce feuilleton.
Certes, est-il nécessaire de pouvoir pour désirer. Là est sans doute le piège conduisant au meilleur comme au pire. Encore que même sans pouvoir ne faut-il pas quand même vouloir pour s’approcher alors seulement du « désiré » ?.
Selon une citation de J. Guitton dans Apprendre à vivre et à penser : ”Le raisonnable serait soumis à une sorte d’instinct de réalité”. Partant de cela, peut-on aussi affirmer que lorsque le but a atteindre est guidé par son seul ego, le déraisonnable prenne le dessus, rendant sourd et aveugle aux réalités. Impossible (ou presque) de changer de cap, tant que les éléments en jeu permettent encore d’avancer d’un pas, puis d’un autre, puis encore un…..
C’est donc dans le rétroviseur que la sanction apparaît. Toute cette énergie (tous ce trésor) dépensée pour aboutir finalement à quoi ?
Mais puisque dans la vie, on ne regrette que ce qu'on n'a pas fait (Jean Cocteau), alors il fallait le faire.
un village de charme?????
c est un VRAI village de REVE !!!!