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Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 01-03-2014 à 14:45:20

L"'exception aculturelle française".

En regardant la télévision - et notamment les jeux "culturels", je mesure chaque jour avec irritation et tristesse l'ignorance crasse des Français. C'est accablant.

Moi qui, tout au long de mon existence, n'ai jamais eu assez de temps pour embrasser, à la manière de "l'honnête homme" de l'âge classique, le cercle des connaissances humaines qui toutes me passionnent, je souffre de voir à quel degré d'inculture est arrivée la majorité de mes concitoyens

Les jeunes, les adultes, les seniors, sans en être autrement gênés, assument leurs lacunes dans tous les domaines du savoir. Et chaque jour, devant un choix de questions qui leur est offert, on les entend dire : je ne sais rien en histoire, en géographie, en économie, en politique, en botanique, en zoologie, en astronomie, en paléontologie, en littérature, en anatomie...

Bref, ils reconnaissent sans sourciller qu'ils ne savent rien à rien, et on les voit - spectacle pitoyable et risible à la fois - se jeter sur les questions "chansons",  "people" ou "légumes du potager" ( sans garantie de succès, surtout sur ce dernier sujet !)

Comment en est-on, en France, arrivé là ? Comment est-il possible qu'au pays de Rabelais, de Montaigne, de Descartes, de Corneille, de Madame de Sévigné, de Diderot, de Fontenelle, de Voltaire, de Victor Hugo, de George Sand, de Proust et de Camus, de Laënnec, de Pasteur, de Buffon et de Fabre, de Larousse et des Curie, après plus d'un siècle d'Ecole obligatoire et gratuite, avec les progrès du savoir et de la diffusion des connaissances, une écrasante majorité de nos concitoyens soient sourds et aveugles au monde qui les entoure, déstructurés, déculturés, vidés ? J'en connais la raison. Je ne suis pas le seul.

En quarante années d'enseignement j'ai vu à l'œuvre une destruction méthodique du socle de notre culture générale et des apprentissages élémentaires sans lesquels rien de solide ne peut être construit.

                                Philippe Meirieu, le pape du pédagogisme.

Au nom d'une fumeuse idéologie, reste mal digéré des élucubrations de mai 68 et des théories pédagogistes absurdes héritées de la vague structuraliste et de l'idée crétine de bouleverser tout au nom d'une prétendue modernité, en réalité ringarde et délétère, on a cassé tout ce qu'il y avait de solide pour le remplacer par des "activités d'éveil", des connaissances périphériques et floues et des gadgets inutiles.

La Droite et la Gauche, toutes deux également démangées par ce prurit d'innovations stupides,  se sont systématiquement attaqué aux fondements des savoirs, bouleversant ainsi une mécanique efficace, et la remplaçant par une atomisation de petites connaissances que rien ne relie entre elles  et qu'il est donc impossible aux élèves d'assimiler.

L'histoire, la littérature, les sciences expérimentales, les mathématiques, la grammaire, l'apprentissage des arts plastiques et de la musique furent tour à tour soumises par de fumeux théoriciens - dont certains sévissent encore aujourd'hui - à une déstabilisation mortifère.

Ne plus connaître les bases et remplacer cet apprentissage par un saupoudrage prétentieux et troublant devint un but en soi.

Etudier le commerce des grains en Méditerranée au XVIe siècle, sans savoir ni où se trouve la Méditerranée, ni l'état du monde - à commencer par celui de la France - à cette époque, remplacer l'étude des strictes catégories grammaticales ou mathématiques par de foireuses "approches" où les élèves ne comprenaient plus rien, regrouper en un bouquet des textes de la Renaissance, des articles de magazines et des fragments de discours politiques passait pour le nec plus ultra de l'intelligence et de l'ouverture d'esprit.

Le corps de l'Inspection  était chargé de distiller auprès des professeurs la doctrine nouvelle, bien que ceux-ci, dans leur grande majorité, fussent plus que réticents et continuassent - en cachette souvent - à faire bénéficier leurs élèves de la formation qu'ils avaient eux-mêmes suivie, de la qualité et de l'efficacité de laquelle ils étaient la démonstration vivante.

J'étais de ceux-là dans les années noires ( 80-90) et je le suis demeuré jusqu'au bout, il y a deux ans. 

J'ai dû accepter d'encourir les foudres d'inspecteurs serviles et bornés, ayant viré lof pour lof et abandonné tout ce à quoi ils croyaient naguère, d'autant plus acharnés à faire triompher par la contrainte les glaireuses idées pédagogistes qu'ils en sentaient l'injustice, la dangerosité et l'absurdité.

Ce fut un temps où la doctrine universellement admise était de "mettre l'élève au centre" (comme s'il avait un jour été ailleurs !) et de ne plus utiliser la contrainte que contre les professeurs, présentés systématiquement à l'opinion publique comme des personnages égocentriques, fermés et passéistes, repliés sur leurs petites habitudes et leurs intérêts catégoriels.

Les journaux, les magazines, les radios et les télévisions, jusqu'aux séries ayant pour cadre des collèges ou des lycées, tout concourait à ringardiser le corps enseignant.

Je savais alors - et je l'écrivis (*) - que le résultat de cette campagne de destruction des savoirs et de ceux qui étaient chargés jadis de les transmettre, déboucherait sur une catastophe : l'inculture érigée en norme, l'uniformisation de la pensée, la montée d'idéologies absurdes, la déréliction des valeurs civiques, le recul de notre civilisation.

Hélas, 3 ou 4 générations ont été abîmées. Mais il n'est pas encore trop tard. Il n'est jamais trop tard.

Si, retrouvant son bon sens, la nation rétablit un enseignement des fondamentaux, si l'autorité morale et le rayonnement du corps enseignant sont restaurés, si le pays entier se mobilise dans l'intérêt de sa jeunesse, c'est à dire pour son avenir, tous les espoirs sont encore permis.

(*) Tableau Noir (1996)

 

Commentaires

fugace le 01-03-2014 à 16:35:14
Bonjour F.T.,


Tout est dit ou presque. Mais que peuvent faire les Ministres de l'E.N. successifs ?

Les patrons étant encore et toujours les syndicats malfaisants et ou saboteurs qui auraient dû être dissous depuis belle lurette pour troubles graves envers les puissance économiques montantes du pays.

Le plus grave étant que de trop nombreux parents d'élèves demeurent complètement détachés d'une situation qui les dépassent pour les uns quand ils n'ont pas démissionné pour les autres.

Nous avons et continueront donc de voir grossir plus que jamais une armée d'ignorants et de "bras cassés". Où sont donc les actions fortes et percutantes de gens qui savent ?

Mais après tout, pour nombre d'élus, de chefs, de petits chefs, ne ne vaut-il pas mieux avoir sous ses ordres des collaborateurs qui n'y connaissent rien plutôt que des candidats instruits, ayant étudié et aptes à décortiquer les complexités des situations, des problèmes, et ayant les capacités (de s'opposer) d'opposer des argument forts et fiables ?

A quoi sert, en effet, la connaissance menant à la compétence ? Les gens peu au courant font toujours très bien l'affaire. N'en avons nous pas les preuves au plus haut du sommet ?


Le réveil risque d'être difficile quand on compare notre E.N. en plein naufrage à de nombreux modèles dans les pays qui nous entourent et bien au-delà.


C'est en effet désespérant que les moyens technologiques à disposition d'un large public, ne participent pas par "l'irresponsabilité des adultes" à distiller à minima un éventail culturel large en lien avec les programmes scolaires.

C'est qui déjà le (la) Ministre de la culture?