Le moins que je puisse dire est que je n'ai aucune appétence pour les dogmes, quels qu'ils soient, religieux ou autres.
Tout ce qui est considéré comme dogme inviolable et vérité sacrée m'est immédiatement suspect parce que relevant selon moi d'une oppression déguisée.
Inutile d'insister sur ce que les lecteurs de ce blog savent déjà : je place au premier rang les "paroles d'évangile". Peu importe qu'elles soient de telle religion ou de telle autre, toutes, sans exception, depuis la nuit des temps ont induit l'humanité en erreur et l'ont conduite aux pires excès de cruauté au nom d'un dieu quelconque qui aurait soufflé à l'oreille d'un privilégié les termes de sa loi.
On pense généralement que ce point de vue qui est le mien amène tout naturellement à substituer à la religion ou plus exactement à la superstition, une vérité certes profane, mais tout aussi intangible, et finalement sacrée, qui serait inspirée non plus par le Ciel mais par l'Humanité; en d'autres termes, un dogme laïque.
Celui-ci me fait fuir aussi vite que les premiers. Parce que ce qui me fait fuir n'est pas le dogme lui-même qui n'est après tout qu'une idée parmi d'autres, donc discutable et relative, mais le fait d'être considéré comme une vérité indiscutable et sacrée dont la contestation place celui qui ose la remettre en question au rang des parias dangereux et à éliminer.
La République dont on attend qu'elle se libère - et qu'elle nous libère - de cette oppression morale et civique n'échappe malheureusement pas à cette irrépressible tendance du pouvoir à imposer sa vérité et à rejeter ceux qui la remettent en doute, comme si toute autorité ne pouvait s'établir et se maintenir que sous la contrainte d'une idéologie dont il serait criminel de d'affranchir.
Au nombre des dogmes républicains, et au premier rang d'entre eux, figure la célèbre Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Ce texte magnifique, rédigé dans le langage le plus clair qu'on ait jamais parlé en France, est en quelque sorte la bible du citoyen.
Il représente, par rapport à l'organisation sociale qui l'a précédé une immense avancée en codifiant de façon rationnelle la place de l'individu dans la cité et le rôle de celle-ci dans la vie du citoyen.
Il a surtout l'immense supériorité par rapport aux textes "sacrés" d'être donné pour ce qu'il est : un texte rédigé par des hommes pour des hommes, sans référence divine, sans intervention du surnaturel. Contrairement à eux il tire sa légitimité de son horizontalité.
Et pourtant dans ce texte même, je vois une trace de dogmatisme lorsque, dans son premier article, il affirme :
Les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droits
Cette phrase est si connue et si répétée qu'on ne songe plus à en analyser le contenu qui pourtant laisse un large champ à la discussion, comme toute idée forte. On la cite, on la répète, on l'apprend mais on ne se permet plus de la discuter.
Les deux présents de l'indicatif "naissent" et "demeurent" ont l'air d'aller de soi quand ils sont, au contraire, une pétition de principe qui reste à démontrer.
Les rédacteurs de la Déclaration ont installé comme une vérité irréfragable la chose même que le texte a pour mission de démontrer et d'établir, à savoir que la liberté et l'égalité sont des données naturelles et sacrées à la fois, alors qu'elles ne peuvent être acquises qu'au prix d'un combat continuel précisément parce qu'elles ne sont pas naturelles.
Or c'est ce combat, justement, qui fait la supériorité de la République sur tout autre régime. Présenter son objectif comme un point de départ c'est littéralement mettre la charrue avant les bœufs.
Mais plus faible encore me paraît l'ajout mal venu de "en droits".
En supprimant ces deux mots, la phrase affirmerait sans laisser aucune place à la contestation un état de fait - la liberté et l'égalité sont données à chaque être humain dès sa naissance - que rien ne pourrait venir atténuer.
"En droits" loin d'ajouter quoi que ce soit à l'idée, oppose en réalité le "droit" à la réalité vécue, comme si l'on disait " ce sont vos droits, vous les possédez en théorie à la naissance, mais la vie se chargera de rétablir un autre ordre, moins enviable et moins juste".
C'est une précaution habile pour ne pas encourir le reproche de promettre au delà du possible, un peu comme l'invention du Diable ou de l'Enfer par les religions monothéistes permet de dédouaner Dieu des ratées, des injustices et des souffrances que l'homme, tout croyant qu'il soit, aura nécessairement à subir.
Commentaires
Bonjour F-M. T.
Je l’ai peut-être déjà lu ici aussi :
"Les religions naissent de nos craintes et de nos faiblesses, s'agrandissent dans le fanatisme et meurent dans l'indifférence." Chateaubriand
mais je partage complètement la vision de Raymond Aron : « L'homme a besoin de religion parce qu'il a besoin d'aimer quelque chose qui le dépasse ».
Car, qu’on le veuille ou non, et çà ne date pas d’hier, les sociétés ont besoin de religion parce qu'elles ont besoin d'un pouvoir spirituel, qui consacre et modère le pouvoir temporel rappelant aux hommes que la hiérarchie des capacités n'est rien à côté de la hiérarchie des mérites ». Il est probable que çà puisse durer encore longtemps, très longtemps, sauf à accueillir des extra terrestres et encore !
S’agissant de la DDHC, un vœu pieux pour les géniteurs de ce texte, mais qui à effectivement le mérite d’allumer une lumière nouvelle en proposant une autre direction. Je doute hélas que ce soit les républiques telles que nous les connaissons qui même sur le très long terme en assureront la fécondation. Il faudra à mon avis que des événements gigantesques se produisent en même temps au niveau planétaire. Je pense à la déréglementation du climat, à la raréfaction des ressources, aux pollutions diverses dont l’électromagnétique (majeure pour les apprentis sorciers), à la contamination de la chaîne alimentaire d’origines diverses (organique, chimique, nucléaire,…..), pour obliger l’humain s’organise et se solidarise faute de disparaître, car sur la liste des condamnés il demeure encore en bonne position. Les « Livres »d’ailleurs ne nous annoncent-ils pas cela depuis longtemps ?
P.S.
Si en effet, les hommes naissent pour partie libres et égaux en droits, il est évident que pour une majorité des 7 201 239 170 personnes sur la planète en ce vendredi 14 mars 2014, combien le demeureront tout au long de leur vie dans les faits ?
Egalité : Il eut été difficile de ne pas insérer dans la déclaration précitée, [… en droits ]. J’ai toujours imaginé que c’était pour compenser l’énorme inégalité de l’homme dans sa nature et dans le nature. Evidemment, égalité n’est pas égalitarisme et l’égalité même en droit ne signifie pas bonheur pour tous.
Liberté : Quelle est donc cette liberté ? . Ne pas être assujetti à un maître à sa naissance sans doute déjà. Liberté de penser aussi sans aucun doute , de dire vraisemblablement. La liberté de croire aussi , mais quand l’article 18 dit :
[ Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.]
Nota : Pour la liberté de « ne pas croire », ce n’est pas clair !
Fraternité : Unicité dans notre humanité ? mais, la fraternité, ou le lien social, ne peut naître que d’un équilibre et donc que les aspirations des uns et des autres sont satisfaites, sinon la cohésion de l'ensemble disparaît.