Incapables d'avoir la moindre influence sur le cours des évènements économiques, nos dirigeants s'efforcent de compenser ou de faire semblant de compenser cette impuissance par la multiplication des projets de réforme à moyen et long terme.
Parmi cet ensemble plus ou moins cohérent de projets, la réforme territoriale arrive en première position.
Depuis des décennies ce Phénix d'Arabie fait régulièrement parler de lui.
Parmi les tentatives les plus récentes, on se souvient des propositions de Balladur et d'Attali. L'une après l'autre, ces beaux projets sont allés rejoindre la pile des réformes et des rapports oubliés.
Voici que Monsieur Valls à son tour, profitant de la courte période de popularité dont il bénéficie, et soucieux de faire oublier les dures réalités devant lesquelles il doit plier, est en train de concocter une énième réforme territoriale destinée - c'est du moins l'affichage qu'on en fait - à simplifier la carte administrative française, à augmenter l'efficacité de l'action des collectivités locales et - cerise sur le gâteau - à faire de substantielles économies.
Il s'agirait, grosso modo, de réduire de moitié le nombre actuel de régions en France métropolitaine (je reviendrai sur les cocasses spécificités des régions ultramarines), de supprimer les conseils généraux (nouvellement nommés "départementaux"), de redessiner la carte des communautés de communes.
A côté de ce remodelage territiorial, il serait question de mettre fin à ce qu'on appelle la clause de compétence générale, c'est à dire le pouvoir de chaque échelon administratif de gérer l'ensemble des domaines de la vie publique, à l'exception de ce qui est du ressort exclusif de l'Etat.
Ainsi présentés, ces projets semblent devoir faire l'unanimité, tant ils ressortissent au bon sens.
Hélas, comme ces toiles impressionnistes qui, plus on s'en approche, plus elles deviennent floues, ce tableau n'est beau que vu de loin.
D'abord, cet élan réformateur risque fort de se briser sur les conservatismes justifiés ou non des populations et des élus concernés. On commence déjà à entendre les mises en garde des picards, des normands, des auvergnats, des poitevins, etc. qui supportent difficilement l'idée de la disparition du cadre auquel ils sont accoutumés.
Ensuite, incapable d'aller au bout de sa logique, Valls, à l'instar de son supérieur hiérarchique, fait un pas en avant, un pas en arrière en expliquant que la suppression des conseils généraux (départementaux) ne signifiait pas celle des départements, qui continueraient à exister, avec leurs préfectures et leurs sous-préfectures !
De plus, la nouvelle carte des communautés de communes, fondée sur la notion de "bassin de vie", n'a pas fini d'agiter les microcosmes locaux, et de susciter querelles et pertes de temps, donc d'argent.
Enfin, un casse-tête qui pourrait bien mener à l'enterrement de cette réforme est celui de la répartition des compétences des actuels conseils départementaux, qui seraient dévolues soit aux nouvelles régions, soit aux communautés de communes redessinées...
Mais par dessus tout, l'ensemble du dispositif dont la mise en place s'étalerait de 2015 à 2021, c'est à dire très au delà de la survie de l'actuel gouvernement, nécessitera ou bien l'organisation d'un référendum - avec le risque presque certain d'un échec - ou bien l'aval du Parlement réuni en Congrès pour modifier la Constitution avec une majorité des 2 cinquièmes, chose impossible avec son actuelle composition.
Allons ! notre bon millefeuille n'a pas fini de croustiller.
21 mai
Je ne pensais pas, en écrivant mon billet d'hier, avoir raison si tôt.
Madame Royal, comme elle semble en prendre l'habitude après sa sortie sur l'écotaxe, est une fois encore en ruptrure avec le projet proposé de fusion des régions.
Je gage qu'elle inaugure là une longue liste de contre-propositions qui vont transformer une simplification administrative en casse-tête chinois.
Alors qu'il est question de fusionner la région Poitou-Charentes avec l'Aquitaine dans un vaste ensemble appelé " Poitou-Aquitaine", voici en effet qu'elle soutient un projet de fusion complètement différent entre le Poitou et le Val de Loire, incluant - future pomme de discorde - le département de Loire Atlantique dont la Bretagne réclame le retour en son sein depuis qu'il en a été séparé.
Le président de la République et son premier ministre n'en ont pas fini avec cette turbulante et ambitieuse ministre.
Commentaires
Merci pour cette synthèse limpide du problème.