En 2008 Vincent Peillon signait un livre intitulé La Révolution Française n'est pas terminée dans lequel il développait sa conception du rôle de l'Ecole républicaine.
On y trouve, dans un passage consacré à 1789, la phrase suivante, avec laquelle je suis en profond désaccord :
«Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen.»
Il s'agit là, à mon sens, d'une conception totalitaire de la mission de l'Ecole, directement contraire à ce qu'ont souhaité ses pères fondateurs, et désastreuse si l'on considère le véritable intérêt des élèves.
L'Ecole de la République a mis un terme au monopole de l'Eglise catholique dans le domaine de l'enseignement des enfants de France. Ce faisant, elle a renoncé à l'embrigadement idéologique qui caractérise tout enseignement confessionnel.
Elle a pour mission d'ouvrir les esprits à la connaissance, sans tabous ni limites.
Or ce serait une limitation - et des plus graves - que de "dépouiller l'enfant de toutes ses attaches pré-républicaines", si tant est que cette formule violente ait un sens.
Jules Ferry
Car enfin, qu'entend Monsieur Peillon par "attaches pré-républicaines" ?
S'il s'agit de l'attachement aux valeurs fondamentales, de l'amour pour ses parents, de l'affection pour ses amis, de la curiosité scientifique, du goût du beau sous toutes ses formes, de la volonté d'être aussi heureux que possible, du respect de soi-même et des autres, etc. ce sont des sentiments et des valeurs que nos ancêtres connaissaient et cultivaient et qui n'ont pas surgi miraculeusement en 1789.
Un enseignement qui s'efforcerait d'inculquer l'dée qu'avant 89 l'homme n'était pas totalement humain et que l'histoire n'a que deux cent vingt ans est une aberration dangereuse et stupide à la fois.
Rien de ce que la République a apporté à la France, pour nous en tenir à notre pays, n'est né spontanément un beau jour de l'été 1789;
Chaque progrès, chaque apport de la République plonge ses racines au plus profond de l'histoire du bassin méditerranéen, de la Mésopotamie, de l'Egypte, de la Grèce et de Rome.
La monarchie française elle-même durant 10 siècles, a lentement élaboré cette civilisation française d'où sont sorties les idées des Lumières.
Pour ne prendre que ce qui est l'essentiel de l'apport républicain, la laïcité, il faut être ignare ou de mauvaise foi pour ne pas admettre que tout au long de notre histoire, de Philippe le Bel à Henri IV, et malgré des périodes de recul à chaque siècle, la politique des rois de France a été de se rendre indépendant de Rome et de limiter l'intrusion de la religion dans la vie publique.
Henri IV terrassant la Ligue
L'édit de Nantes, venant après les horreurs d'un demi-siècle de guerres religieuses intestines, est un texte de tolérance et d'ouverture dont la magnifique loi de 1905 est un prolongement et un aboutissement.
Que dirait-on d'un professeur de sciences naturelles qui expliquerait à ses élèves que la nature telle que nous la voyons est née en un jour et que rien de ce que nous voyons n'a de rapport avec ce qui l'a précédé ?
Eh bien ! ce serait commettre une faute aussi grave de faire croire aux enfants et aux adolescents de notre pays que celui-ci s'est traîné dans l'erreur et l'horreur durant les siècles qui ont précédé la Révolution, que rien de ce qui l'a précédée ne mérite attention et considération et que la vérité et la vertu sont sorties du puits brusquement, comme par l'opération d'un esprit saint républicain.
Bref, ce serait remplacer une religion par une autre, un obscurantisme par un autre. Le citoyen que Vincent Peillon prétend formater en le "dépouillant" de son passé serait un être décérébré et dangereux. La République selon le cœur de cet éphémère ministre est un régime haïssable.
C'est dire si je ne me lamente pas sur la disparition de Monsieur Peillon.
Commentaires
Bonjour,
Je fait partie de ceux qui pensent que l'école républicaine doit très tôt intervenir pour contrebalancer en la remettant à sa juste place, la programmation uni culturelle et surtout uni religieuse inculquées au sein des familles, qui en sont demeurées prisonnières par le poids des coutumes savamment entretenues pour maintenir les pouvoirs que l'on sait.
Au-delà, le corps enseignant français dans son ensemble (public), nous ayant confirmé son positionnement idéologique et politique majeur de puis des décennies, il nous est difficile d'affirmer que la bonne direction ait été prise pour apprendre aux élèves à vivre et à penser librement, au regard de l'imbroglio qui règne aujourd'hui dans un grand nombre d'établissement scolaires.
Pour revenir à V. Peillon et sa démocratie spirituelle :
Dans le genre, et bien rien que çà !!!!!, Extrait de 31 secondes tirées de la vidéo, correspondant à son discours :
«««««……. On ne pourra jamais construire un pays de liberté avec la religion catholique. Mais comme on ne peut pas non plus, acclimater le protestantisme en France, comme on l’a fait dans d’autres démocraties, il faut inventer une religion républicaine.
Cette religion républicaine qui doit accompagner la révolution matérielle, mais – qui est la révolution spirituelle ? : C’est la laïcité.
Et c’est pour çà d’ailleurs que, l’on a pu parler au début du XXième siècle de Foi laïque, de religion laïque. Et que la laïcité voulait être la création d’un esprit public, une morale laïque et donc l’adhésion à un certain nombre de valeurs. (sic)…….»»»»
a mon avis les trois religions monothéistes doivent NON pas disparaître, mais demeurer sous un contrôle fort et équilibré, comme c’est maintenant le cas pour les catholiques. NOOOOOON la laïcité ne doit pas devenir une religion déguisée, car si elle est aujourdhui fortement fragilisée, elle le doit à ce genre discours (précité) lequel discrimine la religion ayant fait, elle, son aggiornamento, donc la plus facilement critiquable. Alors les esprits conquérants s’engouffrent dans la faille entretenue et préparée, afin d’y faire à leur tour leur lit, profitant d’une crise, d’un mouvement profond qui n’a pas encore montré son vrai visage. La laïcité certes, depuis un peu plus d’un siècle nous à protégé de la folie et du sectarisme des religions. Il n’en demeure pas moins qui si la laïcité rigoureuse, au lieu de s’affirmer en s’élargissant en Europe d’abord, et en ne se renforçant pas face au réel des faits qui nous sautent au yeux aujourdhui, à la gorge demain; il est probable qu’un communisme nouveau c’est à dire une idéologie totalitaire mais cette fois avec Dieu, continuera de tisser sa toile jusqu'à l’étouffement. Nombre de peuples l’ont bien compris, mais nombreux aussi sont ceux qui n’ont pas encore trouvé la clé unique qui fera masse pour revenir à un équilibre difficile à maintenir face aux cycles civilisationnels .
En ce début de XXI ème , des peuples on peut-être deviné avec leur sixième sens ce qui était en train de se mettre en place insidieusement : la soumission par l’économie et le religieux. La nouvelle religion annoncée, ne serait-elle pas finalement une tyrannie en douceur. Poutine en ce sens aurait de l’avance, beaucoup d’avance ; il pourrait bien nous le rappeler demain.