posté le 25-02-2015 à 09:48:00
"de souche"
Il y a deux jours, durant son dicours devant les invités du CRIF, le président de la République a prononcé trois mots qui depuis font polémique. Comme si l'on n'avait rien de plus pressé en France que d'ergoter sur les mots alors que les choses seules devraient compter.
" Français de souche", telle est l'expression présidentielle incriminée.
Pas de quoi fouetter un chat direz-vous sans doute, et vous auriez raison. Mais certains - toujours les mêmes - ont les oreilles si sensibles qu'à tout propos il leur semble que leurs interlocuteurs "franchissent la ligne jaune", "dérapent",(*) bref, commettent une faute grave, presqu'un délit en osant prononcer certaines paroles.
Nous voici revenus subrepticement aux heureux temps des ligues de vertu : "Cachez ce sein que je ne saurais voir".
Avec un peu de sagacité on aura sans doute remarqué que je ne me suis pas fait dans ce blog un spécialiste de la défense de François Hollande, mais en l'occurrence je dénonce le mauvais procès qui lui est fait et qui, si l'on ne s'insurge pas contre lui, risque d'être le signal de nouveaux interdits, de plus en plus contraignants.
Et dire que nous sommes un mois et demi après les manifestations monstres en faveur de la liberté d'expresssion !
Comme toujours, l'indignation des puristes provient de leur fâcheuse tendance - qu'ils partagent avec les censeurs de la morale - de prêter à celui qui parle de vilaines arrière-pensées tapies derrière les mots.
La censure ne porte plus seulement sur ce qu'on dit mais sur ce qu'ils pensent qu'on voulait dire. Terrible dérive qui, si l'on n'y prend garde, conduirait à stériliser toute parole libre !
L'expresssion "Français de souche" n'a rien en soi qui doive susciter une quelconque indignation.
Si l'on est de bonne foi - ce que ne sont jamais les censeurs - on la comprend comme désignant les citoyens de longue date, enracinés dans la terre de France, sans référence ni à la couleur de peau, ni à la foi, ni à un critère quelconque autre que la citoyenneté. Elle est un moyen simple de distinguer les Français nés de parents français depuis plusieurs générations de ceux qui vivent sur notre territoire, qui ont la nationalité française qu'ils ont acquise plus ou moins récemment..
En aucun cas elle ne stigmatise ces personnes ou sous-entend la supérorité des premiers sur les seconds, comme on tente d'en accréditer l'idée.
Rabelais fait dire à son Pantagruel des paroles qui devraient éclairer nos débats actuels autour des mots :
« Si les signes vous faschent,
ô quant vous fascherons les choses signifiées ! »
( si les mots vous fâchent, ô combien plus vous fâcheront les choses qu'ils désignent )
Il est clair pour toute personne de bonne foi que François Hollande n'a certainement pas voulu exprimer un rejet ou un mépris à l'égard des étrangers ou des descendants d'étrangers vivant sur notre sol.
Il y a suffisamment de choses à lui reprocher sans qu'il soit besoin d'y ajouter ce mauvais et ridicule procès.
(*) Cette formule et ce verbe sont d'ailleurs significatifs d'une vision très particulière de la liberté d'expression puiqu'ils signifient que la parole est comme un véhicule soumis aux règles du code de la route, donc qu'il y a des rédacteurs de ce code, détenteurs de la Loi, une route autorisée et balisée et qu'on est tenu d'y rouler sagement.
Commentaires
Le fait qu aujourd'hui Nicolas Sarkozy se soit un peu précipité à parler du FN-PS n est-il pas un peu lié a l idée qui m est venue hier ? ?
Et si la formule du Président Hollande, prononcée de façon très naturelle, avait été choisie ?
(Histoire de donner un coup de pouce populaire a la gauche pour regagner ses anciens adhérents reactionnaires votant maintenant FN)
En tant que "française de demie souche", je comprends parfaitement votre agacement et le partage
onjour,
Et quand les médias s'en mêlent :
http://mo.michelonfray.fr/chroniques/la-chronique-mensuelle-de-michel-onfray-fevrier-2015-n117/