François Hollande donne ce mercredi une interview au Parisien/Aujourd'hui en France.
A quelques jours d'un désastre annoncé pour les partis qui ont fait son élection il y a trois ans, il se déchaîne contre le Front National, danger électoral imminent.
Cette croisade anti-FN, bien tardive et sans doute bien inutile sinon contre-productive, est évidemment vouée à l'échec. Mais au moins personne dans le camp de ceux qui furent ses partisans ne pourra lui reprocher de n'avoir rien tenté : calcul hollandais.
C'est là, à mon avis, que réside le cynisme de cette manœuvre cousue de fil blanc. Car François Hollande est un politique suffisamment rompu aux exercices d'équilibriste, à la démagogie et aux faux-semblants pour s'illusionner un instant sur l'efficacité de ses propos. Il faut donc se demander ce qui le pousse, à 20 jours d'élections qui se présentent mal pour lui, à prendre le risque de démontrer une fois de plus l'inanité de sa parole.
La réponse, me semble-t-il, est dans les mots volontairement violents qu'il emploie : selon lui en effet, il faut aller « arracher» les électeurs du FN. Il faut leur montrer que celui-ci ne propose qu'illusion et aventure dangereuse :
« Ses propositions sont autant de reculs pour notre pays et pour ses électeurs ».
On peut, bien entendu, être en accord avec ce constat devenu une sorte de lieu-commun du discours politique. Mais sous-entendre par le mot "arracher" que 30% ou plus de nos concitoyens sont en quelque sorte tombés dans les griffes d'une manière de monstre politique, d'une secte ou d'un gourou est un abus de langage et une absurdité directement contraire - synthèse hollandaise ! - aux propos liminaires de cette même interview :
« Car si le FN est dans la République, puisqu'il participe aux élections, c'est tout sauf le parti de la République » (*)
Plus grave encore, c'est une façon lourdement habile de se dédouaner de toute responsabilité dans la marche triomphale du Front National, de pousser les électeurs de la droite traditionnelle à reporter leurs voix au second tour sur les candidats de gauche tout en ménageant les apparences d'un légalisme sourcilleux. Cynisme hollandais.
Et tout cela en sachant pertinemment qu'il est bien trop tard et même que le résultat de ces vains mots sera probablement de gonfler encore un peu plus le score du FN, embarrassant considérablement la droite et favorisant pour 2017, obsession hollandaise, un duel FN/PS, rêve hollandais.
(*) Le premier ministre, Manuel Valls donne dans le même registre lorsqu'il va répétant, propos recueillis par Philippe Bilger dans un excellent et récent article sur son blog " Justice au Singulier" :
« L'extrême droite ne mérite pas la France. » « Je n'ai qu'un adversaire, la France n'a qu'un adversaire...» « Le FN est l'adversaire principal de la gauche et du pays » « Le FN n'aime pas la France ni la démocratie ».
Le FN est donc légal, mais pourtant désigné comme étranger à la France, ennemi de l'intérieur, même si ses électeurs sont majoritairement d'anciens électeurs de gauche !
Au fait, ce « seul adversaire de la Gauche et de la France » ( France et Gauche se confondant apparemment dans l'esprit sectaire et le discours volontiers grandiloquent et pathétique de M. Valls ) est-il à ranger avec celui de M. Hollande « la finance »? Ce serait drôle.
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