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Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 10-03-2015 à 08:58:11

"Crétin !"

Il faut toute la notoriété et la certitude de ne pas être inquiété pour traiter de "crétin", comme Michel Onfray vient de le faire, le premier ministre français.
 
 

 

  
 
 
Il est vrai qu'en forme d'atténuation de la violence de son propos, le philosophe a aussitôt ajouté que ce terme n'était pas injurieux. Voire.
Pour en avoir le cœur net, je me suis jeté sur tout ce que je peux posséder de dictionnaires et de lexiques étymologiques :  je n'ai pas trouvé confirmation de ce qu'avance Onfray.
 
L'origine du mot est à chercher en Suisse : c'est "chrétien".
Il est assez récent puisqu'il n'est attesté que depuis le milieu du XVIIIe siècle. Il désigne par commisération, dans le pays protestant du Valais ( mais aussi dans le Béarn huguenot ), les retardés de la religion, les cagots papistes. 
Sauf dans l'expression familière "c'est crétin ", selon les cas atténuée en "c'est ballot" ou agravée en "c'est c...", on ne trouve nulle part que le mot de crétin soit respectueux ou affectueux. Le crétin c'est l'imbécile, le sot, l'idiot, voire le débile, selon le sens que le XIXe siècle finit par donner à ce mot.
 
Or donc, Michel Onfray, le médiatique philosophe athée, l'homme de gauche déterminé et le redoutable débatteur considère que Manuel Valls est un "crétin". C'est grave; mais est-ce complètement immérité?
Disons que si Monsieur Valls n'est pas un idiot - ce que de bonne foi on est forcé d'admettre - il se conduit parfois comme un idiot.
Il n'est pas nécessaire d'être crétin ontologiquement pour faire des crétineries. Et de ce point de vue, de même qu'il fait beau plusieurs fois par jour en Bretagne, de même le premier ministre se signale par ces sautes d'humeur et ces coups de sang plus ou moins moins bien mis en scène (voir  liens ) qui , de fait, donnent de lui l'instable et inquiétante image du crétin caractériel. 
 
Mais quelle est l'origine de cette bataille de mots qui nous occupe, et dont je regrette qu'elle ait si peu intéressé les médias, sans doute parce que l'argumentaire de Michel Onfray passe un peu trop au dessus de la tête de nos contemporains acculturés...et crétinisés ?
Onfray ose déclarer que pour lui, homme de gauche et même de la gauche extrême, un propos intelligent d'un penseur de droite ( il parle d'Alain de Benoist ) est plus intéressant qu'une ânerie proférée par un homme de gauche , comme Bernard-Henri Lévy.
 
Houlala ! Que n'a-t-il pas dit là ! Indignation chez les bobos et les "intellectuels" auto-proclamés, et sainte colère de Valls, décidément très à son aise dans le rôle de censeur de la pensée. C'est que le monsieur n'hésite plus à indiquer ce que l'on doit dire ou ne pas dire, ce qu'il est convenable de penser ou de ne pas penser. Ce grand Inquisiteur ( brr! s'il eût vécu au Moyen-Âge...) avec cette fougue légèrement hystérique qui est sa marque, stigmatise, anathémise, condamne aux flammes de l'opinion publique ceux qui ont le tort de ne pas penser comme lui.
 
Deux mois à peine après les manifestations-monstre en faveur de la liberté d'expression qui ont mobilisé le peuple français, Valls voudrait empêcher la libre pensée d'un philosophe qu'on peut certes ne pas aimer, mais dont il est vain de nier la pertinence et l'intelligence.
Faisant preuve d'une étroitesse d'esprit plus qu'inquiétante le premier ministre à qui le pouvoir monte visiblement à la tête, déclare avec force qu' une erreur de gauche vaudra toujours mieux qu'une vérité de droite.
 
Outre que le propos est véritablement "crétin", il est porteur d'un ferment de division irréconciliable entre les citoyens dont la diversité de pensée et d'opinion se voit ainsi violemment niée et condamnée.
 
Comme homme et comme responsable politique, à une époque où, à en croire les lénifiants propos du président de la République, il faudrait unir les Français, Monsieur Valls commet plus qu'une crétinerie : une faute.
 
Michel Onfray a eu raison de le traiter de crétin.(*)
 
 
 
(*) Monsieur Valls serait bien avisé de changer un peu de ton. Aujourd'hui, le voici vociférant au palais Bourbon contre Marion Maréchal-Le Pen. Il en fait décidément un peu trop.
 
 
 
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Commentaires

Nicolaï Vavilov le 12-03-2015 à 00:12:13
... j'hésitais... mais je continue à corriger le maître, que l'on remercie de nous avoir corrigés...et annotés



Ligne 6: "...en suisse ch(r)étien..."Langue1



Onfray, également prolifique, écrit parfois trop vite, plus vite qu'il pense... ce qui pourrait expliquer cet usage rapide du terme de "crétin"

Ainsi il écrit "Freud est né coiffé" et annote "le placenta se présente avant la tête du foetus"

Impertinent, nous le corrigions: " Maître, ce sont les membranes amniotiques qui se trouvent devant la présentation..."

(propos de maïeuticien facétieux)


Frank-Marie-THOMAS le 11-03-2015 à 22:48:04
@Nicolaï Vavilov


Merci; je rectifie de suite.
Nicolaï Vavilov le 11-03-2015 à 22:29:11
Note liminaire, où l'élève corrige le maître...

Il s'agit d'Alain de Benoist.


Littré, dans son « Dictionnaire de médecine, chirurgie, pharmacie, de l'art vétérinaire et des sciences qui s'y rapportent » Edition de 1873

donne comme étymolologie « creta » (craie) en raison du teint.

définit le terme comme « … perturbation du développement de 'individu... »

et rapporte l'affection au goître.

Le crétinisme est défini comme maladie endémique des hautes vallées, Suisse, Maurienne, Pyrénées, Tyrol... Littré évoque la qualité des eaux et la carence en iode.

Les traités de médecine du début XXème parlent d'un « parler suisse » comme origine du terme.

Certains auteurs vont distinguer crétin, crétineux, crétinoîde.

Le terme n'est plus employé dans les ouvrages plus récents (Sergent, Pasteur-Vallery-Radot, Godeau)

Le « Garnier Delamarre définit le crétin comme l'invidu affecté de crétinisme i.e « état caractérisé par l'absence, à peu près complète, des facultés intellectuelles (idiotie)

Bescherelle (1877)donne le terme comme une contraction de « chrétien, qu'on nomme aussi cagot… incapable de commettre aucun péché...n'ayant aucune conscience de ce qu'il fait .. ; affecté de crétinisme…c'est à dire d'idiotisme. »

L'étymologie serait plutôt « chrétien » que « creta »

Pour une revue quasi exhaustive voir le C.N.R.T.L

qui retient un usage familier… et évoque comme étymologie « christianus »

L'usage médical du terme n'est presque plus employé, évolution de la langue ou disparition de l'affection médicale ??? (un peu comme le terme « mongolien)

Le juron du capitaine Haddock évoque l'affection des hautes vallées… ("crétin des Alpes")

Le « Robert » définit le crétin comme « imbécile » « débile » C'est l'usage familier…


Ce que l'on pourrait dire :

Mal utiliser les mots, c'est se faire passer pour le crétin que l'on est pas !!! (Par exemple transposer la dénomination d'un système social institutionnel « apartheid » à la situation des banlieues, "effet pervers" (Boudon) et non recherché « c'est ajouter du malheur… «  à ces lieux… Ce qui pourrait relever de l'uchronie ou de l'anachronisme.)





Aphorismes du « tautologue » (« à la manière de... »)

« un crétin dit que tous les crétins sont des crétins »

« Les socialistes aiment tellement les pauvres qu'ils en fabriquent »

...enrichir les pauvres, c'est perdre des électeurs… c'est ce qui est arrivé au PC


Michel Onfray ne devrait pas se mesurer à Monsieur Valls, qui fait des effets de manche jusqu'au menton, pour la galerie des bobos. Michel Onfray, lui, habite la partie céphalique.