Le 14 avril 1814 l'empereur des Français, Napoléon Ier, mettait le pied sur son ridicule royaume insulaire : l'île d'Elbe, au large des côtes de la Ligurie, en face de sa Corse natale.
Bon débarras ! Cet excité, prédécesseur et annonciateur des grands tyrans sanguinaires du siècle suivant, venait, en 10 ans, de mettre l'Europe à feu et à sang. Ses défenseurs inconditionnels, ses sectateurs, même, pourrait-on dire, mettent en avant ses réalisations : le code civil, l'organisation territoriale et administrative de la France, ses conquêtes immenses, sa mise au pas de l'Eglise. Il n'est pas question de les nier. Son odieux régime, comme tous le régimes, présente des aspects positifs (dont les conquêtes, cependant ne font pas partie) qu'on peut si l'on veut mettre en avant.
Mais la question n'est pas là. Ce qui doit compter, aux yeux de l'histoire, c'est le bilan global de cette époque et ce qu'il faut rechercher avec honnêteté et impartialité c'est, comme disait le regretté Georges Marchais, si "le bilan est globalement positif".
Or, à y regarder de près, il se trouve qu'il ne l'est pas du tout et même que bien des souffrances et des déchirements futurs de l'Europe trouvent leur origine dans le délire bonapartiste et napoléonien.
Ah ! certes, on pourrait avancer qu'à l'instar du roi Henri IV qui, pour ramener la paix civile en France, sut renoncer à sa religion protestante pour embrasser spectaculairement la religion dominante, Napoléon sut réconcilier l'Ancien Régime avec la Révolution, en en singeant les rites et la hiérarchie.
Mais ce parallèle est de pure forme : car autant il est vrai que le Roi de France et de Navarre établit une paix véritable en promulgant le magnifique Edit de Nantes, ( qu'un siècle plus tard, hélas, son petit fils Louis XIV devait détruire en le révocant ), autant les artifices ridicules du régime impérial ne règlèrent rien et même, souvent, envenimèrent les choses.
Ingres. Le geste médiatique
Un soir que la duchesse de Polignac, grande dame d'ancien régime, se trouvait aux Tuileries parée de bijoux entièrement faux, Napoléon lui fit aigrement remarquer qu'elle aurait pu mettre les vrais; la duchesse, avec la morgue de l'aristocrate et l'esprit voltairien du siècle passé lui rétorqua "oh sire ! pour venir ici ! ". Tout est dit du mépris que l'élite française avait pour l'"usurpateur ", ses amis douteux, son régime controuvé et sa cour en toc.
Ce que l'aventure napoléonienne (et non "l'épopée comme le disent les admirateurs) a d'insupportable tient en quelques données qu'il faut avoir présentes à l'esprit.
Transformation de Rome, Barcelone Amsterdam ou Hambourg en "préfectures" de l'Empire Français; népotisme indécent qui consista à placer sur les trônes d'Europe tout un clan maffieux de frères, d'alliés et d'amis : Louis en Hollande, Joseph à Naples, puis en Espagne, le beau-frère Murat à Naples, Jérôme en Westphalie. Quelle mascarade ! Quel insondable mépris pour les peuples ! Quelle folie pour la suite !
Et la cérémonie du couronnement mise en scène par le peu recommandable David et si proche de celle qu'elle inspira à "Bokassa Ier, empereur de Centre Afrique" à Bangui 150 après... Caricature de la caricature...
Glorification théâtrale et romantique par David
Préfigurant le führer un siècle plus tard, Napoléon mit, par folie pure, le feu à l'Europe, engageant sans raison les guerres les plus affreusement destructrices et meurtrières que le monde eût connu jusqu'alors, laissant ses généraux couvrir de leur autorité et de la sienne des atrocités impardonnables en Espagne, en Allemagne, en Russie.
Décret de rétablissement de l'esclavage
Last but not least, il osa rétablir l'esclavage aboli 10 ans plus tôt dans les colonies françaises, déclenchant la révolte de Saint-Domingue et la haine des noirs dont la France paya le prix fort. Imagine-t-on ce qu'a pu être la souffrance et le dépit de ces hommes de ces femmes et de ces enfants libérés et en train de reconstruire leur vie à qui l'on remet des chaînes et qui se retrouvent, après une décennie de liberté, réduits à du matériel agricole ? En se rendant coupable de ce crime, Napoléon a abîmé l'image de la France pour des générations.
Napoléon, contrairement à Louis XVI qui avait tout compris du monde nouveau qui étairt en train de naître de l'autre cêté de l'Atlantique, fut immensément bête en polutique étrangère et ses erreurs fatales se payèrent durant plus d'un siècle après lui.
Tel est le bilan de cet homme qu'on encense encore parce qu'il sut séduire et fasciner, comme tous les tyrans, par une grandeur empruntée et une autorité de paccotille.
Quel soulagement de le voir réduit à arpenter son royaume d'opérette entre la Corse et l'Italie, ironie du sort !
Et pourtant il sut encore nuire, causant d'innombrables morts jusqu'à Waterloo, avant l'exil définitif, enfin, au milieu de l'océan Atlantique.
Je sens que les corses ne vont plus m'aimer.