posté le 23-04-2015 à 08:23:16
" Le capitaine est enceinte. "
Le combat féministe, on le sait, ne se limite pas à lutter pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de la vie : familiale, économique, sociale, politique.
Au grand dam des amoureux de notre langue, il s'invite aussi dans la grammaire, parfois jusques au ridicule.
Hermaphrodite endormi(e), copie romaine du IIe siècle après J.C. d'un original grec. Musée du Louvre.
Le titre de ce billet, parfaitement correct syntaxiquement, constitue l'un des arguments employés par les partisans de la féminisation de tous les termes désignant un métier ou une fonction.
Il est tout à fait exact que l'usage habituel consistant à considérer le genre des noms en lui-même et non en rapport avec le sexe de la personne occupant la fonction, peut aboutir à ce genre de cocasserie et qu'il n'est pas absurde de vouloir y remédier.
Cette cocasserie, soit dit en passant, n'est pas plus grande que les horreurs morphologiques, les sortes de monstres mutants que sont les mots masculins féminisés comme écrivaine, procureure, etc. Mais ceci est une autre question dont je parlerai un jour.
Revenons à notre sujet : certains mots sont, comme disent les linguistes, "épicènes", ce qui étymologiquement signifie : mis en commun, c'est à dire indifféremment masculins ou féminins, selon le contexte.
"Je" ou "tu", par exemple sont employés pour désigner une femme ou un homme et c'est le rôle du récepteur du message de donner à ce pronom personnel un genre. Il en va de même d'un assez grand nombre de prénoms, comme Dominique ou Anne. C'est simple.
La chose se complique un peu, et les avis commencent à diverger lorsque ces mots épicènes sont des noms désignant une fonction. Le cas se trouve souvent dans ceux qui se terminent par un "e" muet
Jusqu'à hier on employait les mots "maire", "capitaine" ou "ministre" (du moins depuis la féminisation de toutes les fonctions) indifféremment pour les hommes ou pour les femmes, mais toujours précédé de l'article masculin "le".
On disait, et beaucoup tiennent encore à dire "Madame le Maire", "mon capitaine" (et non "ma capitaine"), etc.
On considérait en effet ce mot en lui-même et non pas selon celui ou celle qui occupait la fonction; la forme féminisée de maire, "mairesse", étant réservée, elle, à la compagne du maire. Cet usage du même nom précédé de "le" pour désigner une capitaine ou un capitaine aboutit à l'horrible phrase qui fait le titre de ce billet.
On voit bien à travers cet exemple que ces nouveaux problèmes grammaticaux sont étroitement liés aux changements dans notre société, ce qui, dans une certaine mesure, donne raison à ceux qui veulent y adapter notre langue.
Le lecteur attentif et sagace aura sans doute remarqué que je n'aborde pas l'épineux problème des transsexuel(le)s...
Commentaires
Même en ce domaine, Il est probable que les digues édifiées avec le temps, vont par la force des éléments être reconstruites. Pour ma part je doute que ce soit à l'identique, et le temps comme toujours fera son œuvre.
Et puisque les longs cycles eux-mêmes ne se répètent pas à l'identique (quoique), quelle langue parlerons les habitants du continent européen d'aujourd'hui dans 1000 ans ?.