posté le 02-05-2015 à 10:16:13
" Un si charmant village " (17)
Je reprends donc, comme promis il y a 15 mois déjà, le fil de cette chronique de 25 années, qui débute en 1984 pour se terminer en 2008; je me permettrai de l'élargir aux 6 années qui ont suivi, pour mener jusqu'à aujourd'hui l'histoire contemporaine de cette collectivité humaine.
Au dernier épisode je laissais le village tout secoué par le ballottage du maire sortant et sa victoire au second tour, nette mais pénible, sur les deux listes restées en lice, celle menée par le docteur Fleury, dont je faisais partie en deuxième position, et que j'avais largement contribué à établir et celle de la Gauche, menée par Claude Josselin.
Les 6 années qui suivirent furent consacrées par nous à exercer une opposition la plus constructive possible, compte tenu des obstacles sans fin que le maire et son équipe, pourtant déjà traversée d'ambitions contraires, ne cessaient de dresser sur notre route.
Le journal local, l'Yonne Républicaine ( dont, soit dit en passant, la moitié du nom est une sorte d'antiphrase ), rendait compte à sa façon généralement le samedi, jour de grande diffusion de la feuille, des délibérations du conseil municipal de la veille.
A son habitude, il prenait plus ou moins ouvertement, parti pour la majorité et son chef, réservant aux interventions et aux actions de notre groupe, des phrases amphigouriques, souvent incompréhensibles et toujours fort éloignées de l'esprit qui était le nôtre en les prononçant.
En gros il s'agissait de montrer d'un côté une équipe menée par un homme compétent et quasiment infaillible auquel un groupe de gens plus ou mois incompétents, et mus par de mesquins sentiments de vengeance et par une ambition au dessus de leurs talents, s'efforçait maladroitement de mettre des bâtons dans les roues. Cette légende distillée semaine après semaine par le seul organe de presse du coin était bien entendu redoutablement destructrice.
Un titre de novembre 95, entre mille, traduit assez bien cette campagne subreptrice, celui d'un article qui constituait pour nous un droit de réponse à la langue de bois du maire et que nous réclamions depuis des mois :
« L'OPPOSITION SE SENT CONSTRUCTIVE»
Tout n'est-il pas dit par ces deux mots : "se sent" qui, en quelque sorte, détruisent tout l'effet eventuellement réparateur de l'article qui suit, conditionnant le lecteur contre ce que nous allons bien pouvoir raconter ?
Dans un précédent épisode de cette chronique, j'ai eu l'occasion de pointer du doigt cette sémantique malhonnête qui consistait à faire précéder les propos du maire par "le maire indique" et les miens par " M. Thomas prétend"...
A cette même période, l'hôpital de Joigny dont le maire était président, était dénoncé par la Chambre Régionale des Comptes pour sa gestion financière et pour son fonctionnement lui-même, durant les exercices situés entre 1987, date du premier mandat du maire, et 1991.
Disparités anormales entre les services; anomalies dans le fonctionnement et l'investissement, notamment par la rénovation complète et fort onéreuse du bloc chirurgical, sans qu'ait été approuvé le projet d'établissement, c'est à dire sans aucune subvention, causant ainsi en grande partie un grave déficit que ne parvint pas, et de loin, à compenser la vente du patrimoine forestier de l'hôpital et qui devait se révéler plus tard un obstacle déterminant pour son maintient dans notre commune.
En même temps notre groupe continuait de dénoncer la stratégie de "développement industriel" défendue par le maire et son adjoint à l'économie, qui osa un jour du début décembre 95 une perfide et démagogique sortie : "il me semble qu'on ne peut pas être contre l'emploi ". Il prétendait par ces mots répondre aux réserves que nous émettions - à juste titre, la suite nous ayant donné, hélas, amplement raison - sur la construction anarchique d'usines-relais que je venais de qualifier de "coquilles vides", illusoires et coûteuses.
Aucun moyen non plus d'obtenir un décompte précis de l'emploi industriel dans notre cité, le maire avançant sans vergogne le chiffre de "250 emplois créés", sans tenir compte, comme je le lui faisais remarquer, ainsi que la Gauche, qu'on ignorait les emplois détruits dans le même temps, et qu'ainsi aucun bilan sérieux n'était possible.
Le maire et son adjoint aux affaires économiques ( qui, une décennie plus tard, en compagnie du premier adjoint et de quelques autres, allait se révéler un ennemi acharné et haineux du premier magistrat de la commune ) y allaient régulièrement d'un optimime de façade, expliquant à l'envi que leur politique dynamique et moderne était la seule possible.
Le 18 janvier 1996, le journal local, pour une fois, daigna à notre instance, publier une enquête un peu plus sérieuse destinée à étudier de plus près la réalité des déclarations optimistes du maire et de son adjoint.
Il en ressortit clairement, chiffres détaillés entreprise par entreprise, que le solde positif était moins de deux fois celui annoncé à grand bruit de trompe (dans les deux sens de ce mot), soit 145, et encore ces emplois coûtaient-ils cher à la ville, qui les subventionnait largement, ainsi que sa société d'économie mixte, la SAEM.
A ce bilan grisâtre venait s'ajouter des dépenses importantes dont la municipalité se gardait bien d'informer le conseil municipal et, à travers lui, la population du village.
Deux entreprises au moins partirent en laissant la clé sous la porte, sans crier gare, avec une note impayée de 40.000 € ( je transpose en euros les sommes en francs de l'époque pour plus de lisibilité).
De plus nombre de bâtiments locatifs ne trouvèrent pas preneur, à l'image de l'usine -relais n° 2 restée plus d'un an sans locataire, alors, bien sûr, que les crédits d'emprunt de la SAEM continuaient de courir.
A cela s'ajoutait le fait qu'une usine chèrement réhabilitée par la commune sur la route de Montargis l'année précédente n'avait encore, en ce début 1996, trouvé aucun repreneur.
Il convient aussi de préciser, pour porter un jugement éclairé sur la politique économique de la majorité de l'époque, que les indispensables travaux de remblaiement en cette zone inondable tout comme la viabilisation de la zone se montèrent à un total de 2,5 millions d'euros.
Ajoutés à tout cela les frais considérables occasionnés par la restructuration nécessaire de la voierie conduisant à la zone commerciale et au centre, se montant à 230.000 €, sans oublier les 300.000 € que coûtèrent à l'Etat le chenal de dérivation destiné à éviter les inondations en période de crue de l'Yonne. Total 3.100.000 €, à rapporter aux 145 emplois créés, soit 21.300 € par emploi, ce qui est une somme considérable, le retour sur investissement étant plus qu'improbable à une telle hauteur. En fait ce n'était que de la politique.
Certes, pour être tout à fait précis, les subventions de l'Etat, du département et de la région ainsi que les fonds de la réserve parlementaire du député-maire allégèrent le poids de ces dépenses, mais il reste qu'elles étaient énormes et disproportionnées tant pour notre commune que pour les autres collectivités.
Car contrairement au raisonnement poujadiste du maire et de son équipe de bénis oui-oui, les citoyens qu'ils soient d'ici ou de là finissent tous par payer les folies dépensières des petits potentats locaux.
Vingt ans plus tard, on s'en aperçoit et l'État s'efforce, mais un peu tard, d'y remédier.
Tout comme, vingt ans plus tard, on mesure l'ampleur du désastre, pour la commune de toute cette politique d'investissements stériles.
Dans le même temps on se refusait à en faire de réellement productifs, notamment l'aménagement d'une vaste zone de loisirs sur le plan d'eau, seule issue possible au déclin dont une récente émission de télévision vient de faire un pitoyable tableau; J'y reviendrai.( à suivre prochainement )
Commentaires
Votre chronique est très intéressante, pour le Jovinien "élu" que je suis. J'attends la suite avec impatience.