posté le 05-05-2015 à 18:21:30
Une princesse est née !
Les britanniques exultent : une nouvelle princesse, Charlotte Elisabeth Diana leur est née.
Vue de France, cette liesse populaire semble exotique et, pourquoi ne pas le dire, légèrement ridicule.
Certes l'enthousiasme populaire autour de l'évènement ne laisse pas de faire sourire; là-dessus tout un business à base de paris en tous genres vient se greffer, qui, joint au déferlement de tenues et d'objets plus laids les uns que les autres suscite chez nous, surtout chez nos élites, un sentiment qui n'est pas très éloigné de l'apitoiement.
Et pourtant on peut se demander si, dans l'époque morose que nous traversons, cette fête collective n'est pas, finalement, enviable et si notre pays qui regarde de haut cet enthousiasme du peuple anglais, n'aurait pas lui-même à gagner à se retrouver autour de choses simples comme la naissance d'un enfant et d'oublier au moins un instant ses querelles stériles, ses dissensions, ses haines, même.
Les seules histoires familiales qui, depuis quelques années nous sont offertes sont des drames financiers, des tromperies grossières, des premières dames envahissantes et une saga politico-familiale à la fois risible et tragique.
A cette atmosphère assez délétère s'ajoute une perpétuelle guerre politique que la Ve République ne fit qu'exacerber.
Ainsi la naissaance de la petite fille royale m'inspire-t-elle une réflexion que j'ai déjà esquissée ici, mais sur laquelle je reviens car elle me tient fortement à cœur.
La IVe République a été vilipendée par de Gaulle et ses partisans à cause de son instabilité politique et de sa prétendue impuissance.
Quand on considère pourtant les défis intérieurs et coloniaux que ce régime a dû affronter après le désastre de la défaite et de Vichy, quand on se souvient du rôle que les gaullistes eux-mêmes ont joué dans le renversement de nombre de gouvernements de l'époque, on est un peu plus circonspect sur leur sincérité et sur la véracité de leurs affirmations.
Le coup d'Etat du 13 mai 58 a débouché sur une nouvelle République.
Celle-ci, entre 58 et 62, taillée à la mesure du personnage de Gaulle conciliait encore les avantages d'un régime plus stable avec les acquis démocratiques de la République parlementaire.
Hélas la révision constitutionnelle de 1962 et l'élection du président de la République au suffrage universel ont tout détraqué.
D'un coup la France, jusque-là accoutumée aux compromis politiques et à la modération qui en est la conséquence, dut choisir au second tour un camp contre un autre, la division étant consommée et irréparable durant les 7 années qui suivaient.
On vit dès lors, chose inouïe et grotesque, des gens que tout rapprochait (je pense notamment aux radicaux) irrémédiablement déchirés par une frontière absurde, sauf au Sénat. Sans doute faut-il chercher là l'hostilité de de Gaulle à l'endroit de la Haute Assemblée, et celle de Monerville, en retour.
Désormais, entre ceux qui au second tour de la présidentielle avaient choisi X et ceux qui s'étaient rangés derrière Y, la guerre de tranchées commença : elle continue plus d'un demi-siècle plus tard !
L'esprit de parti, le manichéisme politique, si directement opposés au sens de la nuance et à l'intelligence des Français, brisa tragiquement l'unité nationale, et les présidents de plus en plus médiocres qui se succédèrent ne parvinrent plus jamais à recoudre le tissu déchiré en 62.
Hélas le repli des camps politiques sur eux-mêmes et l'organisation de "primaires" partisanes sont en train d'approfondir encore plus gravement la coupure entre les Français.
Alors, oui, dans ces conditions, une institution fédératrice comme la couronne britannique est un ciment dont, peut-être, notre démocratie pourrait avoir besoin.
Après tout, c'était le projet des Mirabeau et des La Fayette dont l'Hermione vogue vers l'Amérique....