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Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 16-11-2015 à 08:52:56

"Impitoyable"

" Impitoyables, nous serons impitoyables " a déclaré François Hollande.

 

 

 

Au vrai, on peine à le croire. 

Si les mots ont un sens - et ils en ont un, même si ceux qui s'en servent semblent souvent l'ignorer - "impitoyable" désigne une personne inaccessible à la pitié, infligeant, sans se laisser attendrir par quelque sentiment que ce soit, une punition qu'il juge méritée.

Qui pense sérieusement que ce président et ce gouvernement en particulier - voire tout autre président et tout autre gouvernement - réponde jamais à cette définition ?

 

Ceux qui, réellement, sont impitoyables ce sont ces tueurs fous qui calmement, méthodiquement, vident leurs chargeurs sur des passants, des spectateurs, des clients attablés. Ceux qui font de l'assassinat un mode de communication de leur idéologie affolante. Ceux qui considèrent que les autres sont des ennemis qu'il ne s'agit que d'abattre froidement pour gagner son paradis. Ceux qui n'attachent aucune valeur à la vie et qui vont jusqu'à sacrifier la leur.

Ceux-là, oui, sont vraiment impitoyables.

 

Mais nous, qui vivons dans un pays de droit, qui sommes attachés aux valeurs humanistes, pour qui la vie est un bien si précieux qu'on s'acharne, parfois même au delà du raisonnable à la prolonger, qui avons aboli le droit pour la société de mettre à mort même les plus épouvantables criminels, comment donc pourrions-nous être impitoyables ?

Et  le prétendre, le promettre, n'est-ce pas prendre le risque d'être pris au mot et de justifier par avance que nos ennemis soient renforcés dans leur conviction et se montrent - légitimement à leurs yeux - impitoyables ? 

 

Je sais que certains de mes lecteurs sont parfois un peu surpris ou dérangés par l'importance que j'accorde aux mots au point de leur consacrer toute une rubrique de ce blog; ils semblent considérer que la réflexion sur la sémantique est assez vaine et même contraire au réalisme indispensable à l'action efficace.

Mais je maintiens, en mettant humblement mes pas dans ceux de Camus, que rien n'est plus néfaste que de mal nommer les choses, parce que cela entraîne de grands désordres.

 

lI est faux et périlleux de prétendre que nous serons impitoyables.

Nous continuerons, parce que telle est la civilisation à laquelle nous ont conduits quinze siècles d'Histoire, à préférer la justice à la vengeance et l'humanité à la sauvagerie.

Battons-nous, vainquons notre adversaire, mais ne brandissons pas des mots définitifs comme nous le ferions d'armes factices.

Le remède serait alors pire que le mal. 

 

 

 

 

 

Commentaires

Bellatrix le 16-11-2015 à 13:36:41
Entièrement d'accord une fois de plus.

"Je préfère la justice à la vengeance et l'humanité à la sauvagerie." (je vous cite)


Etty Hillesum: (Déportée anonyme avec ses parents et l'un de ses frères,Misha,elle est embarquée le 7 septembre 1943 dans un convoi de 987personnes et meurt à Auschwitz le 30 novembre 1943.Quelques extraits issus de onze petits cahiers à spirale et des centaines de lettres écrites de sa main (confiés à une amie) qui sont devenus,quarante après sa mort,son lumineux ouvrage posthume (Une vie bouleversée et Lettres de Westerbook)

"La saloperie des autres est aussi en nous.Et je ne vois pas d'autre solution que de rentrer en soi-même et d'extirper de son âme toute cette pourriture.Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur,que nous n'ayons d'abord corrigé en nous.L'unique leçon de cette guerre est de nous avoir appris à chercher en nous-mêmes et pas ailleurs.

Se laisser subvertir par la haine et l'attiser c'est leur donner raison (s'abaisser à leur niveau d'inhumanité).La haine ne règle rien mais contribue à la généralisation du chaos.La haine aveugle et accroît la barbarie.La perpétue.Plus positif est de tenter de comprendre ce que les événements ont à nous dire afin de les combattre au mieux.


Je souscris entièrement au billet de Jean-claude Guillebaud...

www.lavie.fr/actualite/societe/reapprendre-a-penser-la-guerre.14-11-2015-68174_7.php


Quelques extraits:

"Nous sentons bien que si nous sommes "en guerre",comme le clament les médias,cette expression ne rend pas vraiment compte de la réalité.

En guerre contre qui,au juste? Où sont les armées? Où est le front? Quelq sont les "buts de guerre",comme on disait jadis.


Pour la première fois depuis plus de deux siècles,les Européens ont vécu une période de paix de 70 années. Si l'on excepte les guerres de la décolonisation (toutes situées hors de la France),les "opex" (opérations extérieurs) au Mali ou en Centrafique,et les brefs soubresauts dans l'ex-Yougoslavie. (deux générations,en somme,que la guerre était sortie de notre imaginaire collectif).


(.......) Nous avions fini par penser - à tort- qu'elle était l'état naturel d'une société.L'état de sidération qui est le nôtre tient d'abord à cet "oubli" trop confortable.


Mais notre désarroi,notre effroi,se trouve aggravé par le fait que le terrorisme,même le plus meurtrier,est une "guerre" bien particulière.Le philosophe Frédéric Gros,en 2005 (Etats de violence.Essai sur la fin de la guerre,Gallimard-Essais),il assurait que la guerre traditionnelle disparaissait peu à peu et se voyait remplacée par des "états de violence".Ces derniers n'étaient plus liés à un territoire particulier,ne passaient plus par des armées en ordre de bataille,mais s'insinuaient jusque dans notre univers le plus quotidien:cafés,gares,restaurants,lieux publics.C'est bien à ces "états de violence" que font songer les opérations revendiquées par Daesh.


(....)


Huitième paragraphe/1è remarque:cette fois,la cible des terroristes n'était ni des caricaturistes de Charlie Hebdo,ni des juifs,ni même des chrétiens,des socialistes ou je ne sais trop qui.La vraie "cible",indifférenciée,c'était tout le monde et personne.Le but visé n'était que statistique:il s'agissait de tuer le plus d'hommes et de femmes possible,pour épouvanter les politiques et mettre en branle les médias.De ce point de vue-là,l'action terroriste visant la France s'est alignée sur celle qui est en usage depuis longtemps en Irak,en Syrie ou dans le Caucase.


(.....)


A ce consentement au "sacrifice" (les commanditaires du crime ont utilisé (instrumentalisé) des kamikazes prêts à mourir/ils acceptent de mourir pour leur cause funeste),nous ne pouvons opposer,nous,que l'efficacité de nos technologies (renseignement,écoutes,ADN,usage des drones,etc) et sur un savoir faire tactique toujours plus efficace.Mais,l'une et l'autre,parfois,seront forcément pris en défaut.Il faut le savoir sans se bercer d'illusions:nous aurons d'autres attentats du même type;peut-être même beaucoup,qui viendront,à intervalle plus ou moins régulier nous plonger dans ces "états de violence" ,nouvelle appellation de la guerre.Certains sont et seront déjoués,mais pas tous.Il faut donc nous préparer collectivement - et civiquement -,à ces éventualités.Au bout du compte,je ne sais pas si,au sens strict du terme,nous "sommes en guerre" .En revanche,je suis sûr d'une chose:quelle que soit sa nature,il nous faut réapprendre à penser la guerre sans céder à la panique.

Notre vraie réponse aux terroristes sera de ne plus jamais être terrorisés.


Billet de Jean-Claude Guillebaud (site La Vie pour le lire dans son entièreté )


Merci pour votre billet.
Florentin le 16-11-2015 à 11:48:11
J'ai été, moi aussi, étonné d'entendre dans la bouche du président un mot aussi inapproprié, mais je n'ai pas été aussi choqué que vous. Je crois que Hollande a été là dépassé par son émotion. Sans s'apercevoir qu'il entrait ici dans la même logique que celle des tueurs de Daech.