VEF Blog

Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 19-11-2015 à 08:09:51

En Algérie, déjà...

On prétend que les poissons rouges, à chaque tour qu'ils font dans leur bocal, oublient qu'ils viennent d'en faire un et que cette abscence de mémoire leur permet d'avoir une vie heureuse. Ils ne sont pas les seuls.
 
 
 
Les évènements que la France est en train de traverser et dont il est à craindre qu'elle continue pour longtemps encore de les vivre, ne sont pas une nouveauté sur le sol national.
Les Français d'Algérie, dont je suis, ont vécu à peu près la même chose il y a soixante ans.
Bien sûr certains penseront - et ce n'est pas absolument inexact - que les choses ne sont plus les mêmes et que les buts des combattants sont différents.
Reste que la violence extrême, le fanatisme, la souffrance des populations n'ont guerre changé.
 
 
Ah ! certes, les Français de Métropole n'eurent pas, c'est le moins qu'on en puisse dire, une totale empathie avec leurs compatriotes d'Algérie.
Le tableau qu'on leur en dressait, les rumeurs qu'on colportait à l'envi, le poids des idéologues qui se croyaient progressistes en soutenant toutes les dictatures communistes du monde avaient fini par les convaincre que les pieds noirs, comme on les appela alors par dérision et mépris, étaient d'infâmes exploiteurs de la misère du peuple arabe, racistes, dont la principale activité consistait "à faire suer le burnous".
 
Toute une kyrielle d'intellectuels, emmenés par Jean-Paul Sartre qui, durant l'occupation nazie s'était montré beaucoup plus discret, entretenait cette légende et chantait les louanges des poseurs de bombes, de de ceux qu'on appelait les "terroristes" et prenait haut et fort leur défense.
 

De juin à septembre 1956 nous connûmes les explosions quotidiennes, la peur dans la rue, le soupçon généralisé. Cent cinquante attentats eurent lieu, à Alger d'abord, puis dans tous les départements algériens.
Les bars - le Milk-Bar, l'Otomatic, la Cafétéria, le Progrès, le Coq Hardi, pour ne citer qu'eux -  le Casino de la Corniche, des bus, des tramways, des cinémas, des stades, tous les lieux de rassemblement festifs étaient les cibles des poseurs et des poseuses de bombes.
Ces attentats aveugles ne cessèrent plus durant les sept années qui suivirent
 
Dans le même temps, des combattants égarés violaient, égorgeaient, émasculaient, énucléaient, dépeçaient dans les campagnes et dans les fermes les hommes, les femmes, les enfants, les vieillards.
La population d'Algérie a vécu cela durant huit longues années.
Qu'on prenne la peine de se renseigner, par exemple, sur l'effroyable massacre d'Oran, 2000 morts, le 5 juillet 1962, quelques jours après l'indépendance et sur l'attitude criminelle du gouvernement français de l'époque. On y retrouvera, l'indifférence des autorités en moins, tous les caractères de ce que nous sommes en train de vivre.
Il est probable que la suite sera elle aussi assez semblable si ce n'est pire, les soldats du FLN de l'époque n'étant pas mus par des mobiles religieux et ne cherchant pas à perdre leur vie pour gagner le paradis.
 
Et puis - je ne saurais le passer sous silence puisque j'évoque cette douloureuse guerre - il y eut le sort atroce que, dans l'indifférence générale et avec le silence complice du général de Gaulle, connurent les soldats musulmans supplétifs de l'armée française, les harkis.
Abandonnés à leur sort tragique par notre armée qui s'était repliée, livrés aux atrocités les plus barbares de ceux qui les considéraient comme des traitres à la cause de l'indépendance algérienne, ils furent les victimes les plus misérables de cette politique calamiteuse.
 
Il ne faut pas les oublier car ce serait passer sous silence que nombreux sont, parmi les jeunes gens et les jeunes filles qui aujourd'hui font une guerre totale aux "croisés", les petits enfants de ces hommes abandonnés, trahis et déhonorés.
 
Comment pourraient-ils aimer la France ?
Comme souvent, aujourd'hui ne peut se comprendre qu'à la lumière d'hier. 
 
  
 

Commentaires

Bellatrix le 23-11-2015 à 14:25:57
Décidément! Pardon de nouveau même si je n'y suis pour rien cette fois-ci.Un intrus (smiley) s'est glissé là sans que je le veuille.

(je préfère le préciser afin d'éviter d'éventuels malentendus)

Il ne viendrait à l'idée de personne d'intercaler quoi que ce soit dans un commentaire évoquant des faits aussi dramatiques.

Simple question de bon sens et de décence.
Bellatrix le 21-11-2015 à 17:07:37
Pardon..maldonne de ma part! Je rectifieLanguehilippe Gomis et Aimé Montero,mari et frère d'Andrée Montero,ont été enlevés "le 15 avril 1962",au "Domaine des Andalouses",près du village d'El-Ançor.

Leurs dépouilles n'ont jamais été retrouvées.
Bellatrix le 20-11-2015 à 20:49:47
www.lexpress.fr/actualite/monde/la-verite-sur-les-massacres-d-oran_460144.html

Article publié le 13/09/2006


C'est indéniable:le régime de l'époque a commis des atrocités.

Aucune société ne peut avoir un rapport libre avec son passé.

Au sujet de l'effroyable massacre du 5 juillet 1962 (un peu après les accords d'Evian en mars 1962) je ne partage pas votre point de vue. Sans vouloir être désobligeante ni vous faire peine.

La police française a trop tardé pour intervenir donc éminemment coupable, cela est indéniable,et...je cite Andrée Montero (son livre Le Cri) 2 membres de sa famille (son mari et frère si j'ai bien tt retenu) ont été massacrés ce jour-là :dans les deux camps,c'était à qui se massacreraient,s'étriperaient avec le plus de haine.

Le fossé était devenu fosse,où se perdaient les charniers." Andrée Montero.

Un autre témoin Miloud Karim Rouince né en 1928 (Membre du FLN depuis 1955,ancien maçon à Oran puis en mars 1962 il a fait office de policier :"Nous avons remonté 800 personnes dans une fourgonnette au commissariat central...nous emmenions les prisonniers à la Sebkha près du petit lac pour les tirer à la mitraillette ,en fait,nous n'avions même pas le temps de les tuer car dès que les européens,harkis,militaires de Djiboutis (des juifs en majorité me semble-t-il? ) descendaient de ladite fourgonnette,le peuple s'en emparait et les achevait,qui au couteau,qui a la hache,qui par le feu (torche vivante) .Le peuple,homme et femme s'en chargeait.Je crois que ce fut une vague de démence.

24 heures après précise-t-il,je n'aurais pas pu refaire la même chose.

L'Etat français a commis des atrocités (c'est un euphémisme) et s'est comporté très mal avec les karkis mais il y a eu aussi des luttes et des massacres fratricides aussi.

Vous en savez plus que moi sur la question (je n'étais pas née) mais me suis basée sur le travail d'étude des historiens. (le lien évoque leur travail/ Jean Monneret & Maurice Faivre en ont fait un livre "La Tragédie dissimulée.Oran,5 juillet 1962".

Lumineuse soirée à vous.

La cigogne le 20-11-2015 à 11:53:13
Merci pour votre article..j'étais tres jeune -5ans!!quand ces tragiques événements se sont produits..j'apprends..j'ai juste de tres vagues souvenirs de discussions tres animées autour de la table dominicale..!!..fse
Frank-Marie-THOMAS le 20-11-2015 à 08:01:55
" Tache indélébile" en effet, mais méthodiquement dérobée à la vue de nos concitoyens.

On a parqué des soldats français musulmans dans des camps après 62, et on fait les délicats sur les bracelets électroniques pour des assassins !
Florentin le 19-11-2015 à 20:08:56
Tache indélébile sur l'uniforme du général de Gaulle qui a refusé qu'on "s'embarrasse" des harkis et qui permis qu'on parque dans des camps ceux qui avaient été, malgré lu, rapatriés. .
fugace le 19-11-2015 à 14:29:11
Oui il faut entendre tout ce là. Que de souffrances de part et d'autre. A mon avis, il faudra certainement plus qu'un siècle et d'autres malheurs pour que cette page s'imprègne d'un début d'apaisement.

Avec du recul, et avec les souvenirs d'enfant qui a vécu cette période depuis la métropole au travers des conversations familiale, journaux, radio, grand frères ou oncles qui ont participés aux événements de très près, je me suis toujours demandé pourquoi la "politique" avait sur ce sujet déjà failli, non seulement par un aveuglement qu'il serait facile de qualifier aujourd'hui, mais surtout par un manque crucial de vision sur le long terme, dont aussi il me semble par rapport aux populations très pauvres des campagnes de là-bas comme d'ailleurs en métropole, mais avec un contexte très différent.

Pour tenter de faire un lien de ce sujet encore (très ?) sensible, avec les événements très graves qui se sont déroulés en métropole, je pose la question

- L'insouciance largement répandue, se rajoutant à l'aveuglement précité n'a t'elle pas joué un rôle funeste ? "