Un certain nombre de parents de victimes du 13 novembre refusent de se rendre à la cérémonie d'hommage qui doit avoir lieu demain aux Invalides.
On est en droit de s'étonner de ce refus.
La République organise un rituel solennel de deuil, on a du mal à comprendre que les personnes les plus intimement touchées dans leur affection s'abstiennent d'y participer, puisqu'il est tout à fait clair que si l'hommage est rendu aux morts et aux blessés, il l'est aussi à leurs familles et à leurs proches en même temps qu'à la nation tout entière, atteinte dans sa chair.
Le premier mouvement devant cette attitude, donc, est une certaine incompréhension.
Pourtant, à y regarder de plus près, on peut en comprendre les motifs.
Un père atrocement éprouvé par l'assassinat de sa fille vient d'en donner la clé : il entend manisfester par son abscence une protestation contre le laisser-aller des autorités qui, conscientes du danger imminent de tels attentats, n'ont pris aucune mesure significative et efficace depuis le massacre du début janvier. Il refuse, par sa présence, de cautionner ce qu'il ressent comme une misérable manoeuvre de brouillage.
Et de fait, tous les discours, tous les hommages, toutes les minutes de silence ne sauraient faire oublier l'incroyable incurie du gouvernement depuis dix mois.
Dans ces conditions il est évidemment explicable que les personnes touchées par ces horreurs ne puissent pas s'associer à des cérémonies dont la finalité, en plus d'honorer la mémoire des morts et les souffrances des survivants, est manifestement moins noble et plus intéréssée.
Pour elles, la mort et les blessures de leurs proches auraient peut-être pu être évitées; et si, malgré toutes les précautions qu'on aurait prises, le malheur les eût tout de même frappées, du moins ne pourraient-elles pas le reprocher à ceux dont la mission est de nous protéger.
Il me semble que l'appel du président de la République à orner demain les fenêtres du drapeau tricolore corrobore l'analyse sombre que ce père de famille fait de ce qui est en train de se passer.
Difficile, en effet, de ne pas soupçonner dans cette invitation un calcul politicien assez sordide, une misérable récupération indigne des attentes du pays.
Est-il tout à fait inimaginable qu'on prolonge aussi longtemps que possible l'effet paradoxalement positif des horreurs du vendredi 13 pour fermer la bouche de ceux qui voudraient émettre quelques critiques sur l'inaction des responsables et qu'on espère ainsi atténuer la déferlante électorale qu'on pressent et qu'on redoute ? Un tel cynisme est-il possible ?
Ma réponse, comme celle de ce père éprouvé, est malheureusement oui.
Commentaires
Merci pour ce billet qui exprime avec beaucoup de mesure, de tact mais fermement (ce qui est compliqué tant les émotions et intentions sont multiples et triturées en tous sens) ce que moi-même et bcp de gens éprouvent (y compris des amis grand-parents d'une jeune victime).
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Bonjour monsieur..commémoration..quand mon militaire de mari est parti au loin.. Sous la bannière de l'ONU.. Nous avons abordé le douloureux point:si il t'arrive quelque chose..!! J'avais déjà vécu cela une fois..et j'ai donc dit que je refuserais tout honneur, toute cérémonie officielle..a mon grand étonnement.. Marc avait été d'accord..le deuil est une affaire tellement personnelle..tellement douloureuse..que les discours, les plaques, les médailles à titre postume..tout ceci me semble sonner faux.. Creux.. Et dans le cadre de ce qui nous préoccupe aujourd'hui.. Tellement opportuniste..électoraliste..nous avons un drapeau à la maison.. Il flotte au vent depuis plusieurs jours...c'est notre façon de montrer que nous n'oublions pas..!! Un frère d'armes de Marc est mort ce jeudi des suites de blessures.. Qqs médailles à distribuer?..il y en a plein les tiroirs..!! Fse