Lionel Jospin lui doit en grande partie sa défaite cuisante dès le premier tour de la présidentielle de 2002; Hollande peut dores et déjà trembler pour 2017...
Christiane Taubira est verbeuse (cf. articles en lien). Verbeuse et théâtrale. Théâtrale et louvoyante. Louvoyante et insincère.
Elle pousse aujourd'hui le gouvernement dans une crevasse dont il ne pourra pas sortir indemne. Pour être tout à fait juste, il faut dire que celui-ci s'est lui-même piégé avec une affaire que nul ne lui demandait de traiter, et en tout cas pas comme il le fait. La faute, à dire vrai, en incombe plus au président de la République qu'aux ministres eux-mêmes.
En effet, emporté par l'ambiance d'union nationale qui, pour la seconde fois en 2015, mobilisait le pays à la suite d'attentats horribles, Hollande franchit un pas bien trop grand pour ses petites jambes.
Devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, il se laissa aller à promettre aux terroristes agissant sur le sol français qu'un amendement à notre Constitution permettrait de les déchoir de leur nationalité à condition qu'ils en aient une autre, c'est à dire qu'ils soient binationaux (*), comme on dit.
Grisé par la solennité du moment et par l'apparence de consensus qui régnait sur tous les bancs du Congrès, il ajouta même que cette déchéance frapperait les bi-nationaux "même nés en France", phrase qu'il prononça deux fois avec un ton de ferme conviction.
Après un engagement aussi ferme et solennel, le silence et l'obéissance auraient dû régner sur les rangs du gouvernement.
C'était sans compter Madame Taubira et son irrépressible besoin de se mettre en avant pour faire parler d'elle.
Quelques jours après cette séance "historique" (comme disent les journalistes à propos de tout et de rien) ne voilà-t-il pas que depuis l'Algérie où elle était en déplacement, et aux côtés du grabataire président Bouteflika, elle annonce aux journalistes que le projet de révision constitutionnelle est modifié par l'abandon de la déchéance de nationalité pour les binationaux !
Stupeur dans tous les camps. Mais dès le lendemain la communication de l'Elysée et de Matignon essaient tant bien que mal de rattrapper le coup en expliquant que la ministre a exprimé un avis personnel et que rien n'est abandonné.
Quelques jours plus tard, pour noyer un peu mieux le poisson, on nous annonce même que le gouvernement se dirige vers la déchéance de nationalité pour les mononationaux également. C'est ce qui s'appelle jeter le manche après la cognée. On trouve même le moyen de nous expliquer de façon confuse, après nous avoir ressassé le contraire, que les engagements de la France de ne pas créer d'apatrides ne sont pas vraiment contraignants...
Madame Taubira sort momentanément de cette scène de Guignol et ses collègues ministres prennent le relais en affrontant avec force sueur des médias dubitatifs et ironiques.
Devant le tollé soulevé à gauche et dans une partie de la Droite par ce projet de révision constitutionnelle qui, au fond, ne satisfait que le Front National, Valls et ses ministres déclarent que finalement, tout bien réfléchi, on en revient au projet initial, à savoir la déchéance limitée aux seuls détenteurs d'une double nationalité.
Dans cette ridicule cacophonie - qui n'est pas finie à l'heure où j'écris ceci - la grande-guyanaise-indépendantiste-mais-néanmoins-Garde-des-Sceaux-de- "l'Etat-colonial", joue la discrétion et, comme elle le dit elle même pour devancer la critique qu'on lui fait, "avale des couleuvres". Boa constrictor serait plus juste et plus couleur locale.
Le dernier acte de la farce risque d'être le plus drôle - ou le plus pathétique selon le point de vue - quand il faudra que Christiane Taubira vienne défendre devant le Congrès un texte contre le contenu duquel elle se bat depuis que la droite l'a naguère proposé.
Elle n'a pas fini de nous faire pleurer de rire. Sauf si elle s'en va.
(*) Complexité supplémentaire : jusqu'à présent la déchéance peut être prononcée à l'encontre des binationaux par naturalisation, ce qui peut se défendre. évidemment C'est son extension à ceux qui sont français par leur naissance en France et, pire encore par leur naissance tout court, qui pose un énorme problème.
Commentaires
De quoi a-t-il peur, demandez-vous, Florentin ?
Mais pardi, de Madame Taubira ! Il se souvient que c'est elle qui a éliminé Jospin du premier tour de 2002. Un cauchemar. Il endure tout, même l'inacceptable, pour ne pas la laisser dans la nature.
Ce n'est pas la première fois que Madame Taubira met le gouverement en porte-à-faux. Qu'attend donc Hollande pour la virer ? De quoi a-t-il peur ? Il a pris moins de gants pour renvoyer à ses études le sieur Montebourg, qui n'était pourtant pas, n'importe qui.