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Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 11-01-2016 à 09:34:58

Vivent les morts !

La commémoration a toujours été un sport national républicain. L'entraînement est devenu quotidien.

 

 

 

 

Jours de gloire militaire : gerbes de fleurs sur les dizaines de milliers de monuments aux morts de France, discours, minutes de silence, hommage aux victimes, reconstitutions en costumes des grandes batailles, parcs à thème historiques avec son et lumière.

Jours de malheur : gerbes de fleurs, minutes de silence, discours et trémolos, hommage aux victimes, défilés, minutes de silence, espoir que cela ne se reproduira pas.

Fautes nationales : gerbes, minutes de silence, débats enflammés au Parlement,  hommage aux victimes, textes de lois, discours historiques et moraux du ministre en exercice, minutes de silence, stèles, monuments, musées.

Blessures nationales : gerbes, minutes de silence, morceaux (inégaux) d'art oratoire, hommage aux victimes, stèles.

Morts illustres : soldats, politiques, savants, vedettes du cinéma ou de la chanson (que des procédés nouveaux permettent de "ressusciter" sur scène de façon extrêmement morbide), anniversaires divers. 

 

 

 

Ainsi des causes diverses voire opposées produisent les mêmes réponses : gerbes de fleurs,  minutes de silence, discours, hommages, stèles et monuments. La mécanique est bien huilée et chaque président d'association "mémorielle", chaque maire, chaque président d'exécutif départemental ou régional, chaque ministre, chaque président de la République apprend, en chambre et en public, à marcher d'un pas lent et solennel, à porter avec dignité la gerbe de fleurs, à la déposer avec douceur et componction, à reculer de trois pas, à s'immobiliser dans un profond recueillement, lisible sur les traits fermés de son visage, à prendre la parole avec noblesse et à distiller de beaux lieux communs bien consensuels. C'est un métier.

 

 

De Gaulle appelait cela " inaugurer les chrysanthèmes". A cet exercice, il faut bien reconnaître que François Hollande détient le premier prix, toutes catégories confondues.

Dans le vent, sous le soleil radieux, sous une pluie battante, il cabre sa petite personne replète, se fige dans un garde-à-vous impeccable, couvre son visage d'un masque de souffrance contenue, puis "gagnant à pas lents une roche élevée"(*), prononce sur une mélopée lancinante des paroles d'amour, de rassemblement et de paix, relevées d'un soupçon de fermeté intransigeante et de détermination volontariste. 

 

La commémoration, cérémonie essentiellement républicaine (nos rois ne commémoraient guère) est devenue sous ce quinquennat un exercice quotidien.

Ballotté par les sondages qui ne remontent, pour un temps de plus en plus bref, qu'à la suite d'un malheur national, conscient que son image de président ne se superpose à peu près à celle dont rêvent les Français que dans ces cérémonies où il occupe une première place de droit divin, notre président savoure ces instants avec gourmandise et, repu d'honneurs, grisé par la beauté des paroles qu'il vient de proférer, il regrimpe à chaque fois sur son trêne vacillant.

Le malheur, pour lui, est qu'il est à peu près aussi crédible en Bossuet qu'en Napoléon. L'un et l'autre costumes sont trop grands pour lui et, à son passage, le rire couve sous les larmes. 

 

Rendez-vous compte : avec quinze siècles d'histoire, tant de batailles gagnées et perdues, tant de crimes commis et subis, tant de héros, tant de grands hommes et de grandes femmes, les 365 jours du calendrier ne suffiront bientôt plus. Et que sera-ce dans trois ou quatre siècles, quand il faudra commémorer les évènements des XXIe, XXIIe, et XXIIIe siècles ?

 

 

 

 

Pour moi, n'en déplaise aux amateurs de gerbes, de minutes de silence, de discours convenus et de stèles, un vieux pays "recru d'épreuves" comme le nôtre serait bien avisé de réserver un jour et un seul à la mémoire de ses guerres et de de ses malheurs, sous peine de traîner un deuil permanent.

Ah ! bien sûr, les ordonnateurs de pompes officielles (et les fleuristes) ne seront pas de cet avis; eux crient "vivent les morts" !

 

(*) Musset Nuit de Mai. 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

Icaunaise le 12-01-2016 à 07:44:08
Il faut bien le reconnaître, ce président de la République n'est pas bien haut sur pattes mais tout le monde ne peut pas avoir été doté de la stature du grand Charles! Malgré tout et même si je partage votre avis sur son attitude lors de ces cérémonies, je ne peux m'empêcher de penser que c'est quand même "moins pire" qu'avec Sarko qui n'était pas plus grand, qui n'était pas fichu de rester en place deux minutes et dont chaque muscle tressautait tout le temps et n'importe quand....

A propos de ces cérémonies à répétition, je m'étonne surtout, alors que l'on nous répète sans arrêt que "nous sommes en guerre" que l'on commémore des actes de guerre avant que la guerre ne soit terminée, ça c'est quand même bien du jamais vu...
La cigogne le 11-01-2016 à 10:52:49
Je suis fatiguée.. Et lassée de ces cérémonies..de ces commémorations..deces visages faux, des ces mots échangés avec les familles..fatiguée de ces familles qui exigent la légion d'honneur pour leurs morts..savez-vous comment les choses se passent pour nous, familles de militaires morts au combat..?? On reçoit un coup de téléphone pour nous. Annoncer la visite du chef de corps ou du commandant en second..un coup de sonnette..on vous annonce que...voilà..quelques visites de familles..puis la solitude..une cérémonie au sein du régiment..point final..!! De la décence ..serait la bienvenue ..pardon pour ce " coup de gueule..""fse