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Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 17-01-2016 à 10:58:47

Riss a raison !

Le dernier numéro de Charlie Hebdo contient une caricature de Riss qui semble avoir choqué beaucoup de lecteurs, même parmi ceux qui sont attachés à cet hebdomadaire satirique.

 

 

Une fidèle lectrice, dans un commentaire sur mon précédent billet, me demande mon avis sur cette caricature. Je vais le donner tout en étant bien conscient qu'il est lui-même, évidemment, sujet à discussion.

Je ne peux qu'être marqué par la violence qu'elle exprime. Riss, faisant allusion au viol de femmes allemandes par des réfugiés syriens imagine que le petit Aylan, mort sur une plage l'an dernier, aurait pu devenir lui-même un de ces violeurs.

Déjà l'an dernier il avait représenté son petit cadavre sous un panneau publicitaire de Mac Donald's, ce qui avait suscité des réactions extrêmement indignées et menaçantes.

 

 

Cette fois, la reine Rania de Jordanie elle-même exprime son indignation et publie un dessin représentant ce qu'aurait pu devenir Aylan : un élève, un étudiant, un médecin.

 

 

 

 

 

Elle a raison, bien sûr, mais Riss n'a pas tort.

La réaction de cette souveraine, pour humaine qu'elle soit, marque une profonde incompréhension de l'ironie, qui est la base de l'esprit critique.

A ne pas la comprendre, on accuserait Montesquieu ou Voltaire d'être favorables à l'esclavage - qu'ils dénoncent par antiphrase -  dans leurs textes fameux sur l'esclavage des nègres de l'Esprit des Lois (* ) et de Candide.

C'est pourtant l'erreur que commet Daniel Shneidermann, lui qui fut pourtant un décrypteur d'images dans son émission "arrêt sur image", lorsqu'il écrit :

 « rien ne distingue ton dessin, Riss, d’un dessin qui pourrait être publié dans Minute ou Valeurs actuelles ».

Notre époque  est devenue si incroyablement inculte, si dépourvue d'esprit, qu'elle prend au pied de la lettre ce qu'il faut regarder comme dans un miroir, au second degré.

 


En montrant dans son dessin de l'année dernière le corps du petit garçon gisant sur la plage au pied d'un panneau publicitaire, il dénonce l'exploitation répugnante de l'image de ce petit martyre par les médias - et le public - avides de sensations fortes à la façon des romains spectateurs des horreurs sanglantes des jeux du cirque.

Quant à l'affiche de Mac Do, elle symbolise à l'évidence le rêve frelaté des migrants, espérant trouver un paradis et brusquement confrontés à notre société de consommation vulgaire.

 

 

 

La caricature du numéro de mercredi dernier semble plus difficilement défendable. Comment, en effet, réduire l'avenir du petit garçon à une dérive vers une inéluctable délinquance, faite de misogynie et de violence ?  

Pourtant, même si les apparences semblent dire le contraire, je tiens pour sûr que Riss est aussi humain que n'importe quel lecteur et autant, sûrement, que la reine de Jordanie. Je vais essayer de comprendre ce que son dessin veut réellement dire.

 

C'est une question de point de vue.

Je me souviens de Jean Dutourd, à qui l'on reprochait d'être poujadiste parce qu'il avait écrit cet excellent roman, Au Bon Beurre. A ce compte, répondit-il en substance, on pourrait accuser Racine d'être un empoisonneur parce qu'il avait écrit Britannicus. Absurde.

Une oeuvre n'exprime pas seulement le point de vue de son auteur, et la plupart du temps il faut, pour la comprendre, rectifier l'angle de vue. Le lecteur, le spectateur doit faire l'effort de comprendre qu'elle est un prisme et que l'image est déformée. 

Riss ne montre pas ce qu'il pense que va devenir le petit Aylan, mais ce que certains de nos concitoyens pensent de son avenir. Il ne ridiculise pas ce malheureux enfant, mais il dénonce l'utilisation politicienne que certains font de son martyre. Certes les parents de cet enfant auront du mal à prendre suffisamment de recul pour le comprendre. Mais ce dessin est à 'honneur de leur enfant.

Tout le reste n'est que contresens ou manipulation.

 

(*)   « Ces gens-là sont si noirs et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre »

 

 

 

 

 

Commentaires

Florentin le 17-01-2016 à 16:35:49
Il y a souvent de la friture sur la ligne qui joint l'émetteur au récepteur. Mais, il est vrai qu'on a toujours du mal à prendre de la distance par rapport au choses. Quand on a le nez dans le guidon, on ne voit pas la route ...