Le député-maire d'Yerres, président du petit parti de droite Debout la France (en lien sur ce blog) répète depuis quelques mois une proposition décoiffante : envoyer les djihadistes au loin, à Cayenne en Guyane. Sa proposition indigne les Guyanais qui ne sont pas des Français de seconde zone, et ravive maladroitement de bien cruels souvenirs.
Formulée autrement, cependant, elle ne serait pas sans fondement.
Indignation ! horreur !
"Quoi ! rétablir le bagne ! Quel retour en arrière ! Quelle anachronique barbarie !
Et pourtant, à y bien réfléchir, son idée n'est pas si absurde qu'il y paraît, et rien ne dit qu'on n'y viendra pas un jour.
Depuis qu'en 1981 la peine capitale a été abolie en France, la hiérarchie des peines, fondement de l'édifice pénal, a été décapitée, bouleversée. Le résultat immédiat de cette abolition était pourtant prévisible, et à l'époque je faisais partie de ceux qui en mesuraient les délétères conséquences : c'est que dorénavant tous les délits graves et tous les crimes seraient punis de prison et de prison seulement.
Il me paraissait alors - et il me paraît toujours aujourd'hui - que frapper d'une même peine l'escroc, le faussaire et l'assassin récidiviste et crapuleux était une incongruité à la fois bancale et profondément injuste.
Certes le faux-monnayeur écopera de quelques années de prison seulement alors que l'assassin d'enfants, ou le terroriste sanguinaire eux, seront condamnés à la "perpétuité". Mais reste que frapper d'une peine de même nature, en ne jouant que sur sa durée, des personnages coupables de choses aussi éloignées par leur gravité et leurs conséquences, aurait dû révolter les consciences et exciter les intelligences à trouver d'autres recours.
Dans ces conditions - et plus que jamais depuis que la peine de mort n'existe plus en France - il conviendrait de créer une peine plus sévère que la prison "à perpétuité". L'actualité, d'ailleurs rend ce sujet brûlant.
Cette peine, autrefois appelée "bagne" ou "travaux forcés" est la seule qui puisse être infligée pour punir les crimes les plus graves sans mettre à mort le coupable. Contrairement à la peine de mort dont les adversaires mettaient en avant le caractère irréversible et le risque d'erreur judiciaire, le bagne, lui, est à tout moment réversible.
Il est vrai que dans le passé, les bagnes de Marseille, de Toulon, de Guyane et de Nouvelle Calédonie furent des lieux de corruption où l'administration pénitentiaire ( cf la grande enquête d'Albert Londres dans les années 20) se rendit coupable d'exactions graves et de corruption quasi généralisée.
Reste que bien encadré et soumis à la surveillance exigeante de la Chancellerie, un lieu de relégation éloigné de la Métropole, suffisamment coupé du monde extérieur par des centaines de kilomètres de mer, ne nécessitant qu'un nombre restreint de personnel de surveillance aurait l'avantage d'une part d'être sûr et d'autre part de constituer un châtiment à la hauteur des crimes commis.
L'ancien président du Conseil, Edgar Faure, répétait souvent que l'idéal serait l'îlot Clipperton.
Monsieur Dupont-Aignan devrait cesser de parler de "Cayenne", qui ne convient à aucun égard, et qui est associé à de sombres souvenirs, et ajouter Clipperton aux îles Kerguelen.
Commentaires
L énorme sanction au bagne était notamment d être éloigné géographiquement de la civilisation, du monde, de ses proches.
Un terroriste haineux de notre monde devrait donc être moins blessé par cet éloignement.
Mais quid de tous les petits conforts offerts aux prisonniers ? (Viagra offert à gogo, etc...)