Q'un mot glisse du registre matériel et physique au registre intellectuel et moral est un phénomène assez banal. Qu'il ne conserve que cette acception l'est moins.
A l'origine de l'adjectif nauséabond il y a le mot grec naus qui signifie navire. La nausia c'est le mal de mer, l'envie de vomir.
Par extension est nauséeux celui qui éprouve ce malaise au sens premier, bien sûr, mais aussi au sens moral.
Devant un spectacle dégoûtant, devant une attitude répugnante sur le plan moral, le sujet ressent cette répulsion dans son âme et dans son corps.
Une application particulière du phénomène dans le domaine olfactif, la nausée née d'une odeur repoussante, a donné naissance au mot nauséabond.
On a pris l'habitude de qualifier de nauséabond les objets repoussants par leur odeur.
Par extension - et notamment depuis quelques années - l'adjectif est de plus en plus souvent appliqué aux idées d'un adversaire qu'on stigmatise par ce mot censé frapper d'indignité ce à quoi on l'accole.
C'est un mot commode, une facilié globalisante qui évite à celui qui l'emploie d'aller plus avant dans la réfutation des idées de son adversaire, en les signalant comme profondément souillées, ignobles et dangereuses pour la santé morale. C'est la cliquette des lépreux ou la rouelle, sinistre ancêtre de l'étoile jaune des juifs.
Juif de Worms portant la rouelle, l'ail et l'or.
L'idée de ce billet m'est venue en entendant ce matin Madame Emannuelle Cosse, ministre du logement, qualifier de "nauséabondes" les propositions de ses adversaires en matière de logement.
Abus manifeste et caricatural. Guerre des mots profondément anti-républicaine.