François Hollande qui durant les quatre années et demi déjà écoulées de son quinquennat a reçu un grand nombre de journalistes pour expliquer son action et sculpter sa statue pour les générations futures, allume un incendie par imprudence et légèreté.
Vient de paraître un livre d'entretiens entre lui et deux journalistes du Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet. Au détour d'une question qui lui est posée il déclare à propos de la Justice :
"Cette institution, qui est une institution de lâcheté... Parce que c'est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux... On n'aime pas le politique. La justice n'aime pas le politique..."
Passé le moment d'étonnement devant la violence crue de ces propos, on s'interroge sur l'exaspération qui a pu conduire un homme aussi calculateur et prudent que le président de la République à se laisser ainsi aller.
Comme son prédecesseur qu'il avait pourtant durement critiqué en son temps pour avoir comparé les magistrats à des "petits pois ", Hollande y va à son tour de son attaque, cette fois beaucoup plus cruelle, à l'encontre du pouvoir judiciaire dont il a pourtant mission de protéger l'indépendance.
On se doute que les intéressés n'ont guère apprécié ses propos dont ils sont immédiatement allés demander raison à l'Elysée en la personne du président et du procureur général près la Cour de Cassation, les deux plus hauts magistrats français.
Sans me prononcer sur le fond de la question et sur les raisons de l'accusation de lâcheté lancée contre la magistrature à laquelle - l'honnêteté oblige à le dire - il avait rendu une indépendance bienvenue après les empiètements de Sarkozy, je constate que cette hostilité du pouvoir exécutif à l'endroit du pouvoir judiciaire est une très vielle affaire.
Elle remonte à la monarchie. Durant des siècles le roi et l'Etat se sont heurtés aux velléités d'empiètement des juges et leurs relations ont été le plus souvent détestables.
En cela - mais en cela seulement - Hollande est l'héritier de Louis XIV.
Commentaires
@ Galinette
Ce que vous dites est d'un grand intérêt.
C'est une clé pour comprendre ce livre qui, sans cette explication, peut en effet passer pour un suicide d'autant plus incompréhensible qu'il n'est pas du tout en accord avec le personnage.
Cependant cette habileté retorse aura-t-elle un impact sur son électorat ? C'est ce dont je doute fortement.
Je ne pense pas que Francois Hollande ait "allumé un incendie par imprudence et légèreté ". Rien qui ne soit mûrement réfléchi et distillé pour infuser dans les têtes les moins averties. Si on lit attentivement ces entretiens, on s'aperçoit, au delà de l'insoutenable sentiment de barboter dans un marigot puant l'arrogance et la fatuité , que Davet et L'homme servent des plats conconctés par Ubu pour ferrer un électorat en déshérence. En pénétrant soi-disant dans l'intimité de Hollande, ils expliquent et justifient pour le péquin toutes les actions du president. De Leonarda aux prises de position controversées en passant par les couacs ou les tartarinades, tout est passé en revue pour ventiler et montrer que c'est l'absence de pédagogie , la fausse maladresse volontaire qui explique l'incompréhension du bon peuple. Et perversion suprême : tous les ressentiments de la population et ses inquiétudes sont partagés par le president , des "migrants qui posent problèmes", des "juges qui sont des lâches", des footballeurs qui n'ont pas de cerveau etc etc
Tout y passe. Rien n'échappe à la sagacité du Guide Suprême.
Dans le journal ""Marianne" On trouve un excellent papier qui décrypte bien cette pêche à l'électeur , et le piège qui est presenté à l'opposition de droite comme de gauche. C'est qu'il ratisse large pépère!!
J-P Brighelli dans "Causeur" partage aussi cette analyse qui etait la mienne à la lecture de l'ouvrage. Ça a marché sur les politiciens et les journalistes qui crient au suicide, à l'acte manqué, à la folie.... Cela marchera-t-il sur les électeurs ciblés? Je crains que oui hélas.
Vu la médiocrité de quasi tous les opposants, le dégoût , la paresse et/ou la versatilité de beaucoup d'entre nous.
l'homme calculateur et prudent n'aurait-il pas "calculé" que, compte tenu de la défiance de 56% des français à l'égard du système judiciaire, il valait mieux se poser en gardien de la Justice et de celle que les français attendent?
Dommage, pas de bol !