C'est entendu, François Fillon a remporté une superbe victoire, d'autant plus impressionnante qu'elle est un cinglant démenti à tous les pronostics.
Alain Juppé, incontestablement affaibli par cette défaite après plus d'un an dans le rôle de favori de tous les sondages, va devoir affronter un second tour extrêmement difficile avec des chances non pas nulles, certes, mais très minimes de l'emporter.
Il me semble que l'argument le plus efficace pour renverser l'issue attendue du second tour n'est pas dans la contestation du programme de son concurrent. Ces discussions sur les programmes à bien des égards, sont des attrappe-nigauds dans la mesure où chacun sait bien qu'il est absolument impossible de planifier une action gouvernementale sur cinq ans, compte tenu de la rapidité avec laquelle les évènements se succèdent dans notre monde globalisé.
Plus un programme est détaillé, plus il énumère par le menu les mesures qui sont censées devoir être mises en oeuvre, moins il sera honoré dans les faits.
L'argument majeur, selon moi, est de mettre en avant la finalité de ces primaires : choisir le candidat le plus à même de battre Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle dans six mois.
A ce critère-là Fillon a une faiblesse : son positionnement très libéral sur le plan économique et très conservateur sur le plan social et sociétal détournera sûrement beaucoup d'électeurs de gauche de voter pour lui contre sa concurrente qui pourra même passer pour plus hardie que lui dans ces domaines.
Alain Juppé, au contraire, pourra réunir sur son nom, comme Jacques Chirac en 2002, tous les électeurs radicalement opposés au Front National.
C'est logique. Mais ces temps-ci, il ne semble pas que la logique soit la boussole des peuples.
Commentaires
@ decapedepee
Je ne suis pas en désaccord avec cette analyse, qui a sa logique.
Néanmoins, si dans six mois le second tour de la présidentielle oppose Fillon à Le Pen - ce qui n'est pas certain du tout, la gauche n'ayant pas perdu toute chance d'y figurer, surtout si Valls et Bayrou se présentent - je pense que les électeurs FN préfèreront toujours l'original à la copie.
Deuxièmement je pense que les électeurs de gauche au cas où ils seraient privés de candidat, ne se presseront pas pour voter Fillon qui représente à peu près tout ce qu'ils détestent. Ils risquent bien de rejeter dos à dos Le Pen et Fillon," blanc bonnet et bonnet blanc".
Ainsi les voix que Fillon peut grapiller au FN seront largement compensées par celles qu'il perdra à gauche.
Juppé, lui, au contraire, aurait eu dans ce cas de figure une élection de maréchal.
L'erreur de tactique de Juppé aura sans doute été, par honnêteté, de faire une campagne présidentielle au lieu de se contenter de séduire d'abord les électeurs de droite et seulement eux. Mais cette option beaucoup plus adulte et respectable au plan moral, si les électeurs l'avaient quand même suivi, lui aurait permis de ne pas changer de discours entre les deux élections, ce qui, évidemment, ne sera pas le cas de François Fillon.
Celui-ci - un peu comme Tsipras en Grèce ou Trump aux USA - va être forcé de diluer son programme pour lui ôter ce qu'il a de trop radical s'il veut réunir une majorité de Français.
Dès le premier tour de la Présidentielle, Fillon va deballonner le dernier électorat FN, certes dans proportions sans doute faibles...mais réelles.
En cas d absence du PS au second tour, certes l électorat dit "socialiste" votera moins massivement qu il ne l aurait fait pour Juppé.
Mais si l on ne veut plus voir le score FN augmenter à chaque élection, il faut une fois pour toute avoir une gauche et une droite à leur place.
Avec Fillon le FN ne pourra plus claironner "UMPS" ou "droite et gauche même combat".
Fillon a au moins, me semble-t-il, le mérite de clarifier les lignes...Sans parler de son projet qui tourne assez autour de "Travail-Famille-Patrie".
Avec lui, le FN prosperera de moins en moins... à mon humble avis.
Je ne suis pas vraiment d'accord avec vous.
Je pense qu'il y a une logique instinctive des peuples qui fait que celui-ci "sait" collectivement ce qu'il lui faut.
Je ne crois pas du tout que le FN puisse remporter les présidentielles l'an prochain, quel que soit le candidat de droite, à part dans l'imagination fantasmée des journalistes et des manipulateurs aux commandes. Le psychodrame de 2002 n'aura sans doute pas le même impact et vraisemblablement (si tant est que MLP soit au 2ème tour) le FN fera un score important. Mais insuffisant. Ce parti n'est pas majoritaire dans ce pays loin sans faut.
Et je pense, contrairement à vous, que Fillon les gêne beaucoup plus que Juppé.
D'ailleurs Florent Philippot, commentant les résultats dimanche soir, était beaucoup moins à l'aise qu'habituellement, et ses arguments sonnaient faux, comme une antienne usée et inappropriée.
Certes, sur le plan économique, comme sur le plan sociétal, Fillon rebute beaucoup plus la gauche qu' Alain Juppé. Mais il séduit davantage à droite et, tout en étant en adéquation avec un ressenti et un besoin puissant de changement et de reconnaissance, ne tombe pas dans la tentation et le piège de l'extrême. En cela il séduit la "majorité silencieuse" qui s'est déplacée en masse.
Je crains par contre que vous n'ayez raison quant à l'ordre d'arrivée dimanche prochain , non pas grâce à un sursaut démocratique mais à cause d'une alliance objective entre gauche et FN, dont un certain nombre de gens n'hésiteront pas à signer sur l'honneur un faux engagement â des valeurs qu'ils réprouvent. Pour faire barrage à l'espoir (ou la colère ou la bêtise etc -au choix- ) qui s'est exprimé par un moyen démocratique .
Un feu nourri s'est abattu dès hier sur Francois Fillon, qui avait réussi à passer entre les gouttes dans les médias avant le premier tour. (Il est amusant de voir tous les commentateurs expliquer ...ce qu'ils n'ont pas vu venir).
Toujours avec la même arrogance vis à vis de l'expression populaire. Ou populiste si on veut être dans les clous.
J'ignore si F.Fillon est ou sera l'homme de la situation et, je pense que quel que soit la personnalité qui arrive au pouvoir, de droite comme de gauche, ça risque d'être mission impossible.
Je crois, et je voudrais me tromper, que nous avons presque atteint un point de non-retour dans la fracturation. Je ne vois pas comment nous allons en sortir par le haut.
Les heraults en présence ne semblent pas être â la hauteur des difficultés présentes et à venir. Â droite comme à gauche.
Et ce n'est pas malheureusement pas du duel de cette semaine que va sortir la lumière. Même si beaucoup, dans le peuple, l'espèrent.
Déjà, deux jours à peine se sont écoulés et, le cri (ou le murmure) qui a jailli des urnes dimanche est expliqué, décortiqué, analysé, commenté ......pour mieux être étouffé?
Alors qu'en sortira-t-il?
Bien malin qui peut le dire.