J'ai déjà eu l'occasion de dire (dès les primaires de gauche de 2011, voir articles en lien) à quel point les primaires "citoyennes" sont un processus dangereux pour la cohésion républicaine.
En quoi consistent-elles, en effet ?
A inviter les électeurs d'un bord politique à départager entre eux des concurrents prétendant à l'exercice d'une charge, puis à se regrouper, quel qu'ait été leur choix originel, derrière le gagnant.
A première vue, rien de plus efficace ni de plus équitable. On laisse le peuple choisir son candidat et on s'engage, quand bien même son favori n'est pas retenu, à tout faire pour favoriser la victoire de celui qui l'a emporté. Que pourrait-on bien redire à cela ?
Tout, selon moi.
D'abord, la logique même de cette élection partisane interne - même si elle est "ouverte" - pousse irrésistiblement les concurrents à la surenchère. Plus leurs propositions seront spectaculaires, plus elles seront démagogiques et plus les électeurs de leur camp seront enclins à y adhérer. On rêve ensemble, sur son petit esquif, à la terre promise, aux fruits et aux fleurs, au bonheur sans partage.
Et voici que celui qui a su le mieux emporter les esprits "sur les rivages d'une autre vie" remporte la victoire.
Immédiatement le prince charmant redevient crapaud. Elu par les plus extrêmistes de son camp, il doit composer, s'il veut avoir une quelconque chance de l'emporter à la vraie élection, avec ceux qui n'ont pas voté pour lui, donc à trahir ses électeurs.
A moins, autre hypothèse ( qu'incarne en ce moment Benoît Hamon ) que s'accrochant à ses promesses de campagne primaire, il décide de se couper de ceux qui n'ont pas, au sein de son propre parti, voté pour lui. L'écueil, alors, est évident : perdre toute possibilité de victoire finale.
On voit Monsieur Hamon - qui déjà a tant de mal à incarner la fonction à la quelle il prétend aspirer - passer trois semaines, alors que le temps presse, à négocier le misérable ralliement d'un groupuscule et à tenter de séduire un candidat cabochard qui ne veut en aucun cas renoncer à son tour de piste.
Et durant ce temps, le parti socialiste dont il est issu, mais dont il enterre toute l'action depuis cinq ans, attend en vain un signe de sa part. Le résultat ne va pas se faire attendre : les sociaux démocrates qui constituent le fond du PS lorgnent vers celui qui au total les représente le mieux : Emmanuel Macron. Comme Monsieur de Rugy, l'écologiste, qui a déjà trahi son serment des primaires.
Ainsi le résulat de cette agitation autour des primaires aboutit à cet absurde paradoxe que les électeurs qui ont voté en acceptant la règle du soutien au gagnant s'apprêtent à choisir un candidat qui n'y a pas participé !
Tout ça pour ça !
Commentaires
@ decapedepee
Il semble évident que si François Hollande s'était présenté - comme il eût été naturel - Macron eût paru que ce qu'il est : un intrigant ambitieux et sans scrupule. Ses chances de l'emporter eussent été à peu près nulles et la majorité du PS aurait eu un candidat certes affaibli, mais représentant réellement la majorité idéologique du parti.
Mais il est clair aussi que Hollande courait le risque d'être battu; du moins le croyait-il quand Fillon n'était pas encore pris dans la nasse de ses affaires.
On peut être convaincu que Hollande doit aujourd'hui s'en mordre les doigts. Lui, l'optimiste, aurait dû compter sur sa bonne étoile qui, il y a cinq ans l'avait déjà débarrassé de Strauss-Kahn.
Quand ça veut pas, ça veut pas.
Le PS a voulu jouer le premier la carte de la "démocratie" au sein de son parti, donner carte blanche aux idées neuves, et finalement devenir un parti "multi-cartes" avec la préparation des motions exposées lors de Congrès puis de votes pour résigner les responsables du Parti à chaque échelon.
Jusque là tout va bien, enfin à peu près ... parce qu'à mon avis un Parti politique n'est pas une auberge espagnole. Je glisse..!
Les rivalités et les jalousies ont suscité la formation de clans prospérant plus ou moins selon dans les coups tordus, les intrigues, l'arsenic mais toujours dans les vieilles dentelles.
En effet, chacun avait compris qu'après les belles motions, pour arriver le premier, il fallait surtout ramasser des voix !
Le plus triste c'est que chacun avait bien compris que pour ramasser des voix il n'est pas utile d'être le plus sincère ou le plus intelligent.
On avait compris, (paradoxal!) que le meilleur était le plus fort pour écrabouiller l'autre... quitte à écrabouiller le meilleur.
C'est ainsi que chaque responsable de motion, pour créer son courant, et avoir un vrai poids politique, devait avoir ses relais départementaux pour recruter avant le 31 décembre de l'année précédant le Congrès, des futurs "socialistes" qui éliraient leurs responsables locaux (sections) et départementaux (fédérations) et ainsi de suite - chaque vote permettant de gagner un poste à responsabilité dans le Parti.
A cet effet, il fallait gonfler les rangs et recruter massivement des gens de bonnes intentions, des potes, bref en tous cas des gens fidèles à celui qui leur faisait remplir un bulletin d'adhésion.
Le système s'est donc vicié.
Valls a poussé Hollande à ne pas se représenter.
Le courant minoritaire et frondeur, dans la ligne d'Emanuelli, las d'attendre de pouvoir prendre le pouvoir et moins coquin que celui des "hollandais", constatant que le calendrier des Congrès tombait mal, était aussi favorable à ces primaires qui procurent l'avantage de diluer l'électorat "socialiste" des nouvelles recrues qui faussaient le jeu et permettent ainsi une redistribution de cartes plus équitable.
Si l'on compare tout cela à une pyramide, on imagine bien d'ailleurs le niveau d'honnêteté intellectuelle de ceux qui sont placés à son sommet..
Tout était donc déjà devenu très artificiel avant même l'organisation des primaires.
Il n'est donc pas surprenant qu'ils en soient là.
Je persiste à penser que Hollande aurait du se présenter à nouveau; Macron le caméléon aurait pris plus clairement sa couleur de traître, le PS ne serait pas disloqué, et aurait évité les dégâts en attendant le prochain Congrès.
Il aurait été préférable pour ce parti de modifier ses statuts en exigeant une adhésion d'une certaine ancienneté pour participer aux votes.
Le seul problème est qu'à mon avis un grand parti est en train de sombrer comme un navire flottant au gré des vents et des marées - les rats se sauvant dans tous les sens.
Quel dommage.