Les mots, comme la monnaie ont tendance à se dévaluer au fil du temps.
Le mot "ennui", au XVIIe siècle, était l'équivalent de "souffrance" ou "torture" dans le vocabulaire actuel. Et si l'on se disait "étonné", on signifiait qu'on était "foudroyé".
Certains orateurs, et François Fillon est de ceux-là, emportés par leur fougue et leur désir de convaincre en frappant l'auditoire, accélèrent ce processus d'usure des mots en les employant à tort et à travers. Ils font de l'hyperbole leur mode ordinaire d'expression. En mai 68, était traité de "fasciste" tout individu - et j'en étais un - qui refusait de considérer Mao et Lin Piao comme des parangons de démocrates et La Chine communiste comme un paradis économique, social et culturel.
Fillon, pris dans une mesquine et balzacienne petite affaire d'enrichissement familial, s'efforce pathétiquement de donner une certaine grandeur tragique à ses misères privées et à les hausser au rang de catastrophe nationale.
Ce faisant il ajoute le ridicule au mesquin.
Tour à tour, il a parlé de manipulation, ce qui peut encore s'entendre. De là il est passé à un registre évoquant un coup d'Etat et le voici brandissant "l'assassinat". Usque non ascendet ? Il reste encore le "cataclysme", "l'explosion nucléaire" et "l'apocalypse".
Tout ce fatras lexical traduit davantage le désarroi de celui qui l'emploie qu'une véritable indignation.
Et quoi qu'il en soit, ce n'est certainement pas en essayant de donner à une pièce de Labiche la dimension d'une tragédie de Sophocle qu'il parviendra à convaincre le peuple de sa bonne foi.
Toute cette inflation sent furieusement sa fausse monnaie.
Commentaires
FILLON a jusqu'à présent tenté de convaincre le peuple de sa bonne foi.
Je comprends que sa mise en examen confère un caractère tragique à ce que vous associez à une "pièce de Labiche".
La tragédie ne peut être mêlée à une campagne présidentielle; et le drame de Fillon c'est que même s'il s'agit d'un coup d'Etat institutionnel, l'heure est à la réflexion sur des programmes.
Il n'est plus audible, il est dépassé et il est objectivement "empêché" de faire campagne.
On connait les rapports entre le PNF et l'Elysée, ceux entre les juges d'instruction et le Syndicat de la Magistrature, bref tous les éléments concernant le déroulé de la procédure, les personnes chargées des dossiers, les méthodes d'investigation et de communication, bref tout concorde à démontrer l'existence d'un véritable coup d'Etat institutionnel.
Cela a d'ailleurs été expliqué par des juristes.
Mais le drame de tout cela, et les français le savent bien, c'est que la vraie tragédie est celle que connaît la société française.
Un Etat régalien qui ne remplit plus son office, avec une Education Nationale déficiente, une Justice élastique, une culture remise en cause, une Histoire oubliée et une dette colossale de 2.200 milliards.
La France est un pays qui coupe des têtes, se Justice est perfide (la majorité des français ne fait pas confiance dans la Justice de leur pays).
Tout s'est dévalué au fil du temps, et quelquefois inversé - l'exception, le moche et le sale devenant aujourd'hui une norme ou une référence et la norme d'hier devenant bien souvent une exception.
Les valeurs, si elles n'ont pas été dévaluées ont été vidées de leur sens.