Les Français, comme les Grecs et les Romains de jadis, adorent les bavards lyriques.
Ils ont adoré les chansons de geste; ils se sont enivrés durant cinq ans, à la fin du XVIIIe siècle, de la rhétorique grandiloquente et souvent creuse des orateurs de la Révolution.
Ils ont adoré les envolées de Lamartine ou de Hugo, plus tard celles de Jaurès ou du général de Gaulle.
Celui-ci, le jour de la libération de Paris, alla jusqu'à affirmer, dans une longue période à la Chateaubriand - contre toute évidence - que le peuple de la capitale s'était libéré "par lui-même"; et une décennie plus tard il développa sans cesse le thème de la "grandeur" de la France alors que tout montrait son affaiblissement et son repli.
Cependant le long - et intéressant - débat d'hier soir souligne jusqu'à la caricature ce syndrome français.
Huit des onze candidats ont, chacun sur sa ligne, développé des idées et des propositions parfaitement irréalistes et irréalisables.
N'importe : ils l'ont fait avec talent et avec ce panache à la Cyrano qui séduit tant nos compatriotes.
Dans trois semaines, ils voteront - sans doute la rage au cœur - pour l'un des candidats qui ne les a pas fait rêver hier.
Et leur aigreur n'en sera que plus profonde.