Et voici que s'enflamme à nouveau le petit monde médiatique et que s'indignent à qui mieux mieux les commentateurs de tout poil. Haro sur Jacques Attali qui a osé prononcer des paroles blasphématoires. On se croirait revenu au"point de détail de l'histoire".
Quelle est l'affaire si grave qui émeut tant nos censeurs et nos guides spirituels ?
Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand, économiste-philosophe-moraliste-scientifique-chef d'orchestre, écrivain et chaud partisan d'Emmanuel Macron a osé proférer cette horreur au cours d'une interview à propos de la fermeture programmée de l'usine Whirpool :
"Je ne voudrais pas que cette campagne se réduise à des anecdotes. C'est en effet une anecdote , si on ne le présente pas dans un contexte plus large".
"Anecdote" ! "Il a eu l'audace et l'inconscience de traiter d'anecdote la mise au chômage de 290 ouvriers à cause d'une délocalisation financière sauvage de leur usine en Pologne ! ".
Et tous de vouer aux gémonies ce nanti, cet intellectuel grassement rémunéré, ce locataire permanent des ors de la République qui traite ainsi par le mépris la souffrance du petit peuple. Richard Ferrand, porte-parole de Macron ( lequel fut naguère rapporteur général adjoint de la commission Attali) lui demande de "se taire", et Philippot, au nom de Marine Le Pen, exprime sa vertueuse indignation dans un tweet de solidarité avec la classe ouvrière et la "France soumise".
Je ne suis pas séduit par Monsieur Attali dont l'omniprésence médiatique, la surproduction livresque et l'opportunisme politique ne me sont guère sympathiques. Mais pour une fois je vais être d'accord avec lui.
Le problème d'une usine, en effet, quelles que soient les souffrances des employés qui sont menacés d'être jetés sur le carreau, n'est pas au niveau d'une campagne présidentielle ou, pour parler plus exactement, ne relève pas de la compétence directe du président de la République. Ce n'est qu'un détail d'un problème plus général qui, lui, parce qu'il met en cause l'organisation générale de l'Europe et du monde, est vraiment du ressort des dirigeants du pays.
C'est une dérive extrêmement grave que cette habitude prise par les chefs de l'Etat successifs depuis Giscard d'Estaing (mais à l'exception notable de François Mitterrand) de se mêler de tout et de descendre dans l'arène pour faire le travail de ceux qui sont réellement en charge des questions qui surviennent.
Le président de la République ne peut pas en même temps être "en charge de l'essentiel", comme disait de Gaulle, et remplacer les préfets, les élus locaux, les chefs d'entreprise ou les syndicats.
Une forêt qui brûle, un immeuble qui s'écroule, un drame familial, une petite réfugiée roumaine qui cherche à s'installer avec sa famille en France sont, pour chacune des personnes concernées une affaire de première importance, mais elles sont des détails de la marche générale du pays. Il y a dans cette omniprésence - en grande partie due à la puissance des médias et des réseaux sociaux - une sorte de dérive totalitaire qui tente de se faire passer pour de la sollicitude mais qui, en réalité, conduit tout droit à une monarchie qui ne dit pas son nom.
Le président ne peut pas, comme le Roi de France, dire en apposant sa main sur les plaies " le Roi te touche, Dieu te guéris".
Il faut être d'une grande mauvaise foi pour faire mine de penser que Jacques Attali méprise les ouvriers de l'usine Whirpool d'Amiens parce qu'il qualifie de "détail", au plan national, le drame qu'ils affrontent.
Chacun se vit comme le centre du monde et considére que les difficultés qu'il affronte sont suffisamment graves pour justifier la mobilisation de tous.
Mais dans une république équilibrée, les corps intermédiaires sont chargés de les prendre en charge, pas le chef de l'Etat.
En stigmatisant Monsieur Attali pour ses propos de simple bon sens, qu'ils prennent au pied de la lettre en faisant semblant de ne pas en comprendre le sens réel, les pleureuses politiques et médiatiques rendent un bien mauvais service à la France.
Commentaires
Les mots qui s'échappent de la bouche de J.A ou de n'importe quel homme de pouvoir, ne peuvent pas être sans conséquences. J.Attali est un homme instruit qui se veut un expert politique averti. Je pense comme vous qu'il y a sur-interprétation des médias et des politiciens. Comme à l'accoutumée. Mais, sans le soupçonner de mépris ou d'indifférence envers les ouvriers restés sur le carreau, ses explications, aussi rationnelles qu'elles soient, ne sont pas acceptables par des personnes qui
souffrent. On ne peut pas séparer la forme du fond dès lors qu'il y a un rapport de force inégal entre les individus.
Oui nous vivons une époque pudibonde, mais la tendance est aussi au cynisme.
Les situations individuelles sont devenus des épiphénomènes et on ne se gêne plus pour le dire brutalement.
Le fait que cette parole soit récupérée et amplifiée de façon indécente ne doit pas brouiller ou minimiser la réalité de l'offense. Parce que les gens concernés reçoivent les mots comme on les prononce.
Avec beaucoup d'intuition ils perçoivent à combien d'années lumières se trouvent ceux qui vont décider de leur sort . Ils prennent le constat en plein cœur.
@Galinette et Decapedepee
Nous sommes en désaccord, mais seulement sur la force à donner aux mots.
Attali choque avec son "anecdote", car ce mot léger rappelle un peu l'insouciance prêtée - sans doute à tort - à Marie-Antoinette et ses "brioches". C'est une évidente maladresse qui a effectivement pu blesser.
Mais qu'elle traduise une indifférence du nanti à l'égard des chômeurs me semble une surinterprétation du mot.
Et le tintouin qu'il a fait me paraît tristement significatif de l'époque pudibonde que nous vivons.
Le diable (ou Dieu?) est dans les détails a-t-on pris l'habitude de dire. Je suis assez d'accord avec Florentin : un+ un + un... Finissent par travce un portrait, un positionnement qui ne peut laisser indifférent. Sans doute avez vous raison contre l'utilisation politicienne de petites phrases, de mots, hors contexte .. C'est devenu tellement courant qu'à vrai dire plus grand monde n'est dupe de ce ballet d'hypocrites. Toutefois, dans ce magma de mauvaise foi, d'arrière-pensées , il est légitime ( à mon avis) de s'interroger sur la pensée, la philosophie générale d'un futur (probable) president. Et les paroles de son mentor et conseiller J.Attali (dont on connaît le parcours et le rôle) ne sont pas anodines à cet égard. Personnellement je crois qu'il est significatif d'une perception de la société vue "d'en-haut". Le chômage est considéré comme une variable d'ajustement. C'est le sens du mot "anecdote". Et cela, c'est intolérable.
Non. J. Attali n'a pas raison.
Je ne sais pas si Attali avait bien raison, car à ce compte là tout peut être une anecdote.
Pourquoi pas la France aussi? - qui pourrait être une anecdote ...!
On peut être objectif sans pour autant réduire l importance d un fait. Tout est relatif, mais tout est important surtout quant il s agit du sort des honnetes gens.
Mais enfin bon, il est certain que pour ceux qui souhaitent faire du business avec un territoire et sa population, 290 travailleurs cela ne pèse rien évidemment.
Le propos du mentor de Macron, qu il a mis dans les pattes de "Petite Fraise", n est pas une anecdote : il en dit long sur la façon qu ont ces gens là de voir les choses.
Je l ai déjà écrit ici: plus en avance dans le temps, et plus ON MARCHE vers une société qui coupe des têtes.
Le diable (ou Dieu?) est dans les détails a-t-on pris l'habitude de dire. Je suis assez d'accord avec Florentin : un+ un + un... Finissent par travce un portrait, un positionnement qui ne peut laisser indifférent. Sans doute avez vous raison contre l'utilisation politicienne de petites phrases, de mots, hors contexte .. C'est devenu tellement courant qu'à vrai dire plus grand monde n'est dupe de ce ballet d'hypocrites. Toutefois, dans ce magma de mauvaise foi, d'arrière-pensées , il est légitime ( à mon avis) de s'interroger sur la pensée, la philosophie générale d'un futur (probable) president. Et les paroles de son mentor et conseiller J.Attali (dont on connaît le parcours et le rôle) ne sont pas anodines à cet égard. Personnellement je crois qu'il est significatif d'une perception de la société vue "d'en-haut". Le chômage est considéré comme une variable d'ajustement. C'est le sens du mot "anecdote". Et cela, c'est intolérable.
Non. J. Attali n'a pas raison.
Le mot détail est quelque peu piégé depuis une certaine phrase de J.M. Le Pen....
léa
Oui, mais, c'est un détail qui s'inscrit dans une foule de détails du même genre, lesquels deviennent tout de même significatifs, car ils aboutissent à la désindustrialisation de la France et donc à son appauvrissement. Je crois que le président doit s'en mêler. S'il ne peut rien chez nous, peut-être peut-il agir au niveau (au moins) européen. Au total, il est des détails qu'il vaut mieux, à mon sens, regarder ...en détail. Florentin
Il y a trop de aaaa dans suffisamment du dernier chapitre