On entend ici et là des commentateurs qui nous avertissent qu'un retour vers les"pratiques" de la Quatrième République est un danger qui, dans le bouleversement actuel de la vie politique, guette la France.
Je commencerai en disant que c'est faire injure à la 4e que de la présenter comme un mal absolu, une menace redoutable.
En 12 ans d'existence, entre 1946 et 1958 - période très courte - les gouvernements qui se sont succédé ont accompli une immense oeuvre de remise en ordre et de reconstruction du pays, gravement abîmé par quatre années d'occupation nazie.
Ponts, ports, logements, routes, infrastructures économiques, production minière, tout était à refaire; tout a été refait.
Il est vrai que ces douze années ont connu un nombre très élevé de gouvernements dont certains n'ont duré que quelques jours. Mais la permanence du personnel politique à travers ces aleas, le solide tissu des communes et des départements et la compétence de l'Administration française ont permis une continuité de l'action qui a remis notre pays sur les rails.
Bien sûr la violente décolonisation de l'Extrême Orient français, et le conflit algérien ont été de douloureuses épines durant ces années d'après-guerre.
Mais il faut la grande mauvaise foi de la propagande gaulliste (qui a si bien fonctionné qu'elle dure encore aujourd'hui) pour refuser d'admettre que la fameuse instabilité minstérielle - qui est une indéniable réalité - était en grande partie due à l'alliance objective entre le parti du général de Gaulle, le RPF, et les communistes qui régulièrement se sont coalisés pour faire tomber les cabinets de centre gauche ou de centre droit.
On avait beau jeu, après cela, de dénoncer la valse des gouvernements !
La 4e était une vraie république, réellement démocratique, où le Parlement jouait pleinement son rôle. Elle avait ses faiblesses, bien sûr, comme tous les régimes.
Depuis bientôt soixante ans les Français se sont habitués à un système césarien dont le rouage essentiel n'est plus à la Chambre et au Sénat, mais dans les couloirs de l'Elysée, comme sous Napoléon III.
En ce qui me concerne, au vu des premiers pas de Monsieur Macron, de l'incroyable personnification de son action et du démantèlement calculé des structures partisanes, je suis inquiet. Car celles-ci, quoi qu'on dise, assurent la vitalité de la démocratie et garantissent contre les dérives du pouvoir personnel.
Les investitures, accordées aux amis ou refusées aux autres par le maître lui-même, sans tenir compte de l'implantation locale des élus sortants qui garantit tout de même un assentiment populaire, sont le signe d'une dérive bonapartiste.(*)
Dans ces conditions, ma crainte est que nous nous dirigions vers un régime qui allie les inconvénients de l'instabilité politique de la 4e et la dérive autoritariste de la 5e.
Je souhaite bien sûr ardemment, pour la France, que l'avenir dissipe cette crainte.
(*) L'édifiant cas de M. Valls :
A Evry, ville dont il fut longtemps l'élu, Manuel Valls a cherché à obtenir l'investirure de République En Marche (R.E.M.). Il ne l'a pas obtenue, comme on pouvait s'y attendre étant donnés les détestables rapports qu'il entretenait avec M.Macron quand celui-ci était ministre de son gouvernement.
Toute honte bue, Valls a tout de même frappé à nouveau à la porte de R.E.M. tant il tient à siéger à l'Assemblée, soi disant pour y soutenir le futur gouvernement, mais plus probablement dans la perspective inavouée devenir à son tour un frondeur si les choses tournent mal pour le nouveau président.
La solution inventée par le parti de Macron est un modèle d'hypocrisie et de magouille politicarde : Valls n'aura pas le label R.E.M., mais se présentera quand même avec la mention "majorité présidentielle" et ne se verra pas opposer de candidat R.E.M.
Il y a fort à parier que les 150 investitures qui restent encore à décider par R.E.M. offrent un bien réjouissant spectacle de tambouille électorale.
Il a un bon fumet de vieille politique, le renouvellement macroniste !
Commentaires
Bonjour,
"Mais la permanence du personnel politique à travers ces aléas, le solide tissu des communes et des départements et la compétence de l'Administration française ont permis une continuité de l'action qui a remis notre pays sur les rails."
Notre trésor national est là et non dans les Ors de la République.
A défendre alors plus que jamais.
Cette analyse de la situation actuelle recadre bien, dans l histoire de la République, l évolution qui se dessine.
Merci pour cet éclairage.
Finalement il arrive aussi à faire du vieux avec du neuf!
Un vrai fakir