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Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 04-06-2017 à 09:19:53

Le latin et la démocratie.

Comment la langue de l'empire Romain est selon moi la base de l'esprit démocratique en Europe, tel est le paradoxe que je voudrais brièvement évoquer ici et qui pourrait faire  l'objet d'un bien plus long développement.

 

 

 

     On entend souvent, pour défendre l'enseignement du latin au collège et au lycée, si rudement mis à l'épreuve depuis plusieurs décennies (voir articles en lien),  de pitoyables arguments au nombre desquels le plus misérable est sans doute qu'il aide les futurs médecins, vétérinaires ou botanistes. Si la langue latine - qui demande beaucoup d'efforts pour être maîtrisée - n'avait que cette utilité mesquinement pragmatique, il ne vaudrait sûrement pas la peine d'y investir tant de temps ni surtout d'en apprendre la syntaxe puisque le vocabulaire et l'étude de quelques racines grecques et latines suffiraient à remplir cet office.

 

     Même si on laisse de côté des arguments bien plus forts comme la sensibilité à la structure de la phrase ou la connaissance de notre passé commun, le latin demeure selon moi une base - la plus solide - pour faire vivre réellement la démocratie.

 

 

     Quel est le plus pressant danger que nous ayons à affronter aujourd'hui ? Les tragiques évènements viennent nous le rappeler avec une sinistre régularité : ce sont les idéologies totalitaires, cachées sous de délirants prétextes religieux, qui prônent la haine de l'autre, l'intolérance et la violence extrême.

Les idéologies sont des élaborations théoriques qui, parce qu'elles sont théoriques, sont coupées du réel et se croient suffisantes à expliquer puis à gérer le monde. Toutes, depuis le culte du chef ou l'adoration d'un dieu législateur jusqu'au communisme totalitaire, ont débouché, toujours, sur des massacres perpétrés au nom du bien absolu.

 

     Or il se trouve que l'étude du latin est un excellent antidote à cette brutalité.

L'enseignement du latin, en effet, oblige à tourner l'esprit vers l'origine du français (et, bien entendu, de toutes les autres langues latines du monde), à prendre conscience que la plupart des concepts qui constituent notre paysage idéologique contemporain plongent leurs racines dans ceux que développaient il y a plus de vingt siècles Cicéron, Virgile et Lucrèce.

C'est la façon la plus efficace de sentir la superficialité mensongère des dogmes politiques ou religieux et de favoriser cet échange ouvert et sans a priori qui est la base même de la dialectique démocratique. 

 

     Autre vertu du latin, et non la moindre : donner de l'épaisseur aux mots français dont il constitue l'armature et l'histoire, c'est à dire la vie. On passe ainsi de concepts figés à leur référent naturel, à la chose elle-même.

Rex, regis, le roi,  se retrouve dans des mots apparemment sans rapport comme royal, règle, réguler, régir. Le savoir - et, mieux encore, le sentir - n'est-ce pas adhérer de façon quasi physique à ce qu'on entend ou ce qu'on dit ?

 

     Et cette opération intellectuelle qui peu à peu, par la familiarité avec le latin (et le grec)  devient une sorte de réflexe, ne donne-t-elle pas aux mots et aux phrases qu'ils composent une profondeur et une résonnance directement opposée au misérable appauvrissement conceptuel sur lequel prospèrent toutes les idéologies anti-démocratiques ? 

 

Commentaires

Nicolaï Vavilov le 10-06-2017 à 00:31:19
mes maîtres nous disaient que le latin langue morte permettait d'articuler sa pensée dans un idiome libéré de toute contrainte utilitaire. Il faut cependant avouer que peu d entre nous atteignaient un tel niveau.

A l opposé l anglais est perçu comme la langue des affaires. On ne pense pas en anglais comme en français (Hagège)

Avec le globish ambiant faut-il craindre que nous devenions un «peuple de boutiquiers»?