VEF Blog

Titre du blog : Le journal de Frank THOMAS
Auteur : Frank-Marie-THOMAS
Date de création : 20-09-2009
 
posté le 20-07-2017 à 09:28:15

Cedant arma togae ?

Cicéron, dans un poème épique dont seuls quelques fragments nous sont parvenus écrit, à propos des liens entre pouvoir militaire et pouvoir civil : "cedant arma togae", "que les armes cèdent devant la toge".

 

 

     Par cette double métonymie, le grand républicain romain signifie que le politique doit avoir la prééminence sur le militaire et que les soldats ne sont que les exécutants des décisions des élus du peuple. 

Il faut rappeler que lorsque cette belle formule fut écrite, Jules César et ses légions menaçaient les institutions républicaines qu'ils rêvaient de remplacer par une dictature militaire. Durant toute sa carrière, Cicéron, avec les seuls moyens de la persuasion et de la parole, fit barrage à ces menées subversives. A la fin il fut vaincu et César installa un régime dictatorial qui se prolongea après lui durant des siècles. Plus jamais Rome ne connut la démocratie.

 

      Ce qui vient de se passer en France hier, avec la démission fracassante du chef d'état major des armées, le général cinq étoiles Pierre de Villiers, semble placer Emmanuel Macron - qui pourtant se rêve en  César ou en Bonaparte - dans la position de Cicéron défendant les institutions républicaines contre les visées hégémoniques de l'Armée.

En d'autres termes, à ne considérer que la surface des choses, le président de la République serait un valeureux défenseur de la démocratie, menacée par un chef qui serait sorti de la réserve et qui, d'exécutant, prétendrait devenir donneur d'ordres.

 

     C'est cette version que la propagande macroniste tente de faire passer dans le public, réservant le beau rôle à son héros.

Une telle vision de ce qui vient de se passer ne tient pas : si de Villiers était une graine d'agitateur militariste, il n'aurait évidemment pas démissionné.

Macron - quoi qu'on cherche à insinuer dans nos esprits - ne vient pas de sauver la République contre les obscures visées subversives de l'Armée. 

Il vient, tout au contraire, de céder à sa tendance profonde et inquiétante à l'autoritarisme le plus brutal.

 

     Car dans l'affaire qui secoue nos forces armées aujourd'hui, les rôles sont tout à fait renversés : c'est le chef d'état major qui défend nos institutions et le président qui les égratigne.

Pierre de Villiers n'a commis aucune faute : il a joué pleinement son rôle en venant devant la commission de la Défense de l'Assemblée Nationale expliquer que  le matériel vieillissant de certains équipements de nos forces mettait nos hommes en dangers sur les divers fronts qu'ils ont à tenir en Afrique et au Moyen Orient. Il a rappelé les engagements de campagne de Macron et a déploré que 850 millions d'euros aient été retirés du budget promis. C'est son devoir le plus strict. 

 

Quant à sa démission, elle est tout à la fois honorable et logique.  Il le dit lui même dans le texte du communiqué qui a été diffusé le mercredi 19 juillet :


« Dans le plus strict respect de la loyauté, qui n’a jamais cessé d’être le fondement de ma relation avec l’autorité politique et la représentation nationale, j’ai estimé qu’il était de mon devoir de leur faire part de mes réserves, à plusieurs reprises, à huis clos, en toute transparence et vérité ».

 

A la suite d'indiscrétions d'un ou plusieurs parlementaires membres de cette commission, les propos très directs voire crus du général ont été transmis au président de  la République et à la presse.

Si dorénavant les travaux des commissions sont mis sous tutelle du pouvoir exécutif, c'est tout l'équilibre des pouvoirs qui est remis en cause, et le Parlement, déjà étouffé par une majorité docile et incompétente, qui est réduit à l'impuissance.  

 

     Emmanuel Macron  cherche à faire le contraire de son prédécesseur (auquel il doit pourtant tout). Il a bien noté que François Hollande, devant la fermeté du général de Villiers qui déjà avait menacé de démissionner en raison des coupes dont l'armée était menacée, avait cédé et accepté le principe d'une rallonge budgétaire.

Le voici donc prenant le contre-pied de cette attitude et, sans s'apercevoir qu'il va trop loin, se permettant avec une violence et une maladresse inouïes d'humilier en public le chef d'état major et de rappeler sans crainte du ridicule "le chef c'est moi".(*)

 

 « Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays. Par conséquent, j’ai pris mes responsabilités en présentant, ce jour, ma démission au Président de la République, qui l’a acceptée » écrit encore le général , soutenu par l'unanimité des officiers et de la troupe.

Il a donc quitté ses fonctions, comme la dignité et l'honneur le lui commandaient. C'est un évènement exceptionnellement grave et qui marquera tout le mandat d'Emmanuel Macron.

 

Ce n'est pas un général putchiste qui démisssionne, vaincu par un président défenseur de la République : c'est un grand serviteur de l'Etat  bafoué qui, en cédant devant la force brutale et absurde, donne une leçon de démocratie à un jeune président imbu de lui-même et grisé par le pouvoir.

 

 

 

(*) Cela commence à faire beaucoup : mise sous tutelle des commissions parlementaires, suppression de la liberté, pour les communes, de fixer leurs taux d'imposition,  réduction du rôle du premier ministre et du gouvernement à la simple exécution des volontés du président (voir articles en lien).

Tout, dans ce début de quinquennat, va dans le sens du renforcement du pouvoir personnel du président et d'une centralisation bonapartiste.

 

 

Commentaires

Florentin le 20-07-2017 à 15:19:43
J'ai ironisé ce jour sur le sujet. Mais, bon, ce président nouvelle formule ne me fait pas rire du tout.