La soeur de Pâris et fille de Priam roi de Troie, Cassandre, est un de ces personnages mythologiques dont on invoque souvent le nom sans toujours bien savoir ce quon dit.
Ajax arrache Cassandre au temple ( fresque de Pompéi)
" Cessez de jouer les Cassandre" lance-t-on à celui qui prévient qu'on se fourvoie sur un chemin dangereux et qui annonce un malheur à venir.
En disant cela on fait entendre que l'oiseau de mauvais augure - autre mythe intéressant - est un personnage d'un pessimisme absurde dont les avertissements sont vains et n'aboutissent qu'à assombrir gratuitement la vie des autres. On est même tout près de l'accuser d'être la cause des malheurs qu'il annonce.
C'est un absolu contresens.
Cassandre, princesse troyenne d'une grande intelligence, voit plus clair et plus loin que ses concitoyens.
Elle avertit que l'ambassade de son frère Pâris à Athènes sera un désastre; elle prédit que la venue d'Hélène à Troie apportera de grands malheurs; elle tente en vain d'empêcher les Troyens de faire entrer dans leurs murs le monumental cheval que les grecs ont abandonné en quittant leur rivage et dont elle sait qu'il recèle un piège fatal à sa cité.
Cassandre. Gaston Bussière (1862-1928)
Cette dernière prophétie est, de toutes les autres, celle qui permet le mieux de comprendre que Cassandre, loin d'être cet esprit sombre et détraqué qui voit le mal partout, est une observatrice attentive et lucide du monde et des hommes.
Elle connaît les grecs; elle sait leur intelligence et leur ruse; elle ne peut pas croire qu'après un siège si long et si sanglant, ils quittent la Troade en laissant une offrande sur la grève. Ce ne peut évidemment être qu'un piège. Il faut être aveugle pour ne pas le voir.
Mais les Troyens, grisés par la joie du départ de leurs ennemis mortels, ne sont plus capables d'un jugement serein et sain. Ils n'écoutent pas les tragiques avertissements de leur princesse et font entrer dans leurs murs le fatal cheval...
Il faut écouter Cassandre.
Commentaires
@ Vavilov
Oui, c'est à peu près cela.
On ne veut pas écouter ce qui fait peur; le vrai effraie. Céline a très bien parlé de ces chiennes de traineau qui sentent les failles avant tous les autres chiens; il y a comparé les écrivains qui, comme lui, se font détester parce qu'ils sont plus lucides que les autres.
Un Michel Onfray, par exemple, me paraît un assez bon représentant de ces Cassandre qu'on n'écoute plus.
La faute, aussi, à tous ceux qui vivent en parasites sur les "mauvaises nouvelles" et dont le dessein n'est absolument pas d'éclairer leurs contemporains, mais de faire sensation et de vendre du papier.
On veut bien jouer à se faire peur, mais sans voir peur.
Plus prosaïquement on accuse le thermomètre de donner la fièvre...
L'allégorie s'appliquerait-elle à notre époque ?
et qui est Cassandre?