Dans la bouche du président de la République, les S de "réussir" s'écrivent apparemment comme ceux du dollar américain.
A plusieurs reprises, cet homme réputé être porteur d'une fine culture humaniste, cet apprenti philosophe qui a grandi dans l'intimité, dit-il, de Paul Ricoeur, a tracé un signe d'équivalence entre "réussir" et "s'enrichir".
La réussite, selon lui, ne peut être que sociale et financière. Les "premiers de cordée", curieuse expression pour désigner les gagnants de la société de consommation, sont selon lui ceux qui ont gravi les parois escarpées de la vie et sont parvenus à se hisser jusque sur les sommets de l'économie et de la finance.
Dans son esprit il est clair comme le jour que tous les autres, ceux qui sont reliés au premier par la corde salvatrice, dépendent de lui, et que leur ascension ne pourra être que ce que sera la sienne.
Pauvre et déprimante vision de la société et du monde. A la suivre, ni Galilée, ni Pascal, ni Molière, ni Mozart, ni Cézanne, ni Balzac, ni Jean Moulin n'ont "réussi", ni non plus les innombrables hommes et femmes qui mettent toute leur bonne volonté, leur talent et leur énergie au service des autres et de leur famille, sans éclat et sans brillante récompense.
On pourrait attendre de cet homme jeune et cultivé qu'il plaçât ailleurs le critère de la réussite, et qu'il conçût que certains n'aimant pas l'alpinisme, atteignent d'autres sommets, sans que leurs efforts soient récompensés en dollars sonnants et trébuchants ou en prestige médiatisé.