Et l'on ose se moquer des " précieuses ridicules " qui appelaient un fauteuil " les commodités de la conversation " et un miroir " le confident des charmes " !
Regardons-nous, plutôt !
Nous avons, nous aussi, inventé une foule de sigles, de périphrases et d'euphémismes d'ailleurs beaucoup moins gracieux et poétiques que ceux de nos ancêtres et tout aussi risibles.
SDF, pour " clochard ", mal voyant, pour " aveugle ", personne en difficulté, pour "pauvre ".
Incapables de guérir les plaies du monde, nous les gazons sous des fanfreluches verbales.
Je viens de m'apercevoir, en écoutant les nouvelles à la radio, que la vague de froid a fait ressortir du placard les mots d' "exclusion" et d' "exclu".
Si l'on prenait le temps de réfléchir un tant soit peu avant de parler, on s'aviserait que ce substantif et, plus encore, ce participe passé substantivé supposent un "excluant", agent du passif, acteur de l'action d'exclure.
Mais non ! "Exclusion" est pris absolument, sans que l'on se donne la peine de se demander qui s'en rend coupable.
Et "exclu" n'a pas de complément d'agent. C'est une victime sans bourreau, et le crime est sans coupable. L" exclu", seul, en est le pitoyable témoignage.
Il est "exclu" comme on est petit, gros ou chauve, l' "exclusion" est réduite au rang d'une sorte de fatalité.
On désigne et on stigmatise les "pollueurs", ceux qui causent le trop fameux "réchauffement climatique", mais on ne met jamais de nom sur ceux qui causent cette "exclusion".
En d'autres termes on trouve des coupables à un crime supposé, mais pas à un crime avéré.
Pourquoi ?
Dès lors, faute de pousuivre et de mettre hors d'état de nuire les coupables, on se contente de panser les plaies qu'ils ont causées, et ces pansements ont, eux, des noms: on les appelle " Restos du Coeur", "Samu Social", "Secours populaire" ou"Catholique", etc.