Par goût, peut-être par nature, encore que je me méfie de cette notion, j'ai toujours été porté vers les victimes et les décriés.
De ce point de vue, il n'est sans doute pas de souverain français plus malmené par les historiens, les chroniqueurs de l'époque et la rumeur publique, que Henri III.
En visitant la basilique de Saint-Denis, la nécropole de rois de France, je suis tombé avec émotion sur cette plaque commémorative rédigée en beaux vers latins.
« Henri III Roi de France mourut en l'an du Seigneur 1589 le premier jour d'août.
Arrête toi, voyageur, et pleure le sort des rois.
Sous ce marbre est enfoui le coeur du Roi
Qui commanda aux Français et aux Polonais.
Un assassin dissimulé sous un manteau religieux l'a tué.
Éloigne-toi, voyageur, et pleure le sort des rois. »
Autour de lui, comme un cercle de feu, flambent les accusations les plus infâmantes : cruauté durant la Saint-Barthélémy ( il aurait, dit-on, poussé son frère Charles IX à l'horrible massacre ), assassinat sordide du duc de Guise et de son frère, le Cardinal de Lorraine, soumission à sa mère, Catherine de Médicis.
Et par dessus tout ses moeurs corrompues, son inversion et ses misérables faiblesses pour ses mignons...
Dans la galerie de nos rois, il est celui qui fait honte et dont on se détourne avec un ricanement entendu.
Pourtant il ne mérite aucune des injures dont il est accablé. Toutes ces accusations atroces ou dégradantes s'effondrent dès lors que, sans préjugé, on daigne se pencher avec un peu d'attention sur la destinée de ce souverain malheureux, courageux, cultivé et perspicace, victime du fanatisme religieux.
Son seul tort est d'avoir été un homme sensible dans une époque de brutalité bestiale, et d'avoir refusé le choix manichéen entre les catholiques hystériques, menés par les Guise et vendus à l'Espagne et les huguenots intolérants, soutenus par l'Angleterre.
Comme Roi de France, il a tenté, dans la tempête, de tenir la barre entre Charybde et Scylla.
Du coup, comme dans une fable, il s'est trouvé la cible des extrêmistes des deux camps qui n'eurent de cesse d'en faire le portrait le plus noir pour justifier leurs menées criminelles.
En guerre sans merci les uns contre les autres, ils furent au moins d'accord pour agonir d'insultes le Roi. Les voix tonitruantes d'Agrippa d'Aubigné et des moines ligueurs se confondirent dans un tintamarre d'ignobles accusations.
Et comme toujours, la violence et l'injustice l'emportèrent dans le coeur du peuple recru de misères et qui, désespérément, cherchait un coupable.
Un moine fanatisé, Jacques Clément, plongea son poignard dans le ventre du Roi, certain, par ce crime, d'accéder au Paradis des justes.
Le Roi agonisant fit alors un geste qui à lui seul, n'étaient les idées préconçues nées de la propagande, aurait dû suffire à rendre au souverain son honneur perdu : il fit promettre aux grands du royaume, de reconnaître pour souverain Henri, roi de Navarre, qui à ses yeux était le seul qui pût ramener paix et concorde au malheureux royaume de France. C'était la victoire de l'intelligence sur la brutalité, de la tolérance sur le fanatisme, le triomphe de Montaigne.
Geste grandiose de l'ennemi qui pardonne pour une cause supérieure, et qui s'oublie pour l'intérêt commun.
Geste politique génial que n'aurait pas osé un homme commun, et qui en deux ans allait permettre à Henri IV de redonner à la France sérénité et concorde.
Henri IV, qui 20 ans plus tard devait lui aussi tomber sous le poignard d'un illuminé fanatisé, est adoré des français. Ceux-ci doivent se souvenir que sans son cousin, le roi Henri III, il serait resté l'obscur souverain d'un petit royaume campagnard, et que la France, peut-être, aurait péri, divisée entre l'Espagne et l'Angleterre.
Les Français devraient aimer et respecter Henri III.
Commentaires
Je n'ai pas de sang bleu, je traine, avec fierté, sous mes semelles la boue des générations de laboureurs et autres manouvriers dont je porte les gènes, et cependant moi non plus je ne résiste pas à un bon article comme celui là... J'apprécie la diversité de votre blog. Bon week end
bonjour je viens chez toi car je suis passionnée par l'Histoire de France, et comme j'ai du sang bleu ça m'interpelle quelque part. très bon week end. amitiés